Politique

Pour les lepénistes, la tentation croissante de la censure du gouvernement

De g. à d. : les députés du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen, Jean-Philippe Tanguy et Sébastien Chenu, le 31 octobre 2024 à l'Assemblée nationale, à Paris

© STEPHANE DE SAKUTIN, AFP - De g. à d. : les députés du Rassemblement national (RN) Marine Le Pen, Jean-Philippe Tanguy et Sébastien Chenu, le 31 octobre 2024 à l'Assemblée nationale, à Paris

Les "conditions de la censure" du gouvernement seront-elles réunies dès le mois de décembre? Le Rassemblement national examine désormais sérieusement l'hypothèse, notamment poussé par sa base électorale, au risque d'apparaître comme responsable d'une crise politique qui ne pourrait être purgée par une nouvelle dissolution avant l'été.

Encore un pas plus loin: en affirmant lundi matin sur Europe 1 que Michel Barnier "crée toutes les conditions de la censure et les additionne jour après jour", le vice-président et porte-parole du RN Sébastien Chenu a acté, si ce n'est la chute du gouvernement, à tout le moins la menace de son exécution.

Il suffirait que les 126 députés lepénistes soutiennent une motion de censure déposée par la gauche pour faire tomber le Premier ministre.

Le scénario apparaissait encore baroque il y a quelques semaines.

Face à une Assemblée nationale éclatée sans majorité, Emmanuel Macron s'était assuré cet été que Marine Le Pen et les siens ne censureraient pas a priori Michel Barnier, une faveur qu'elle avait consentie.

L'empressement avec lequel le nouveau locataire de Matignon avait dédit son ministre de l'Economie Antoine Armand qui avait exclu le Rassemblement national de "l'arc républicain", prenant la peine d'appeler par téléphone Marine Le Pen pour lui assurer sa considération, avait été particulièrement apprécié.

"Barnier est moins irritant que ses prédécesseurs", se félicitaient encore début octobre les cadres du parti à la flamme, décelant du "respect" à leur endroit, selon eux une étape de plus vers la dédiabolisation et la notabilisation de l'ex-Front national.

- "Erreur d'interprétation" -

Les débats lors de l'examen du budget ont depuis refroidi les ardeurs.

"On nous avait dit: +On va construire ensemble+ (...) je ne sais pas avec qui (Michel Barnier) a parlé, mais en tout cas pas avec moi", grinçait la semaine dernière Marine Le Pen.

Le recours "probable" au 49.3 annoncé ce week-end par M. Barnier, ce qui permettrait d'exclure du projet de loi de finances des amendements RN pourtant votés dans l'hémicycle, a d'autant plus agacé les troupes d'extrême droite. "Est-ce qu'ils vont réimposer leurs 6 milliards de taxes sur l'électricité? Est-ce qu'ils vont baisser la facture de carburant? C'est ça, moi, qui m'intéresse", a prévenu Mme Le Pen.

Quitte à agiter la menace: "Ceux qui sont confiants ne devraient pas l'être tant que ça", relevant au passage que "si M. Barnier pense qu'il bénéficie d'un avantage positif dans l'électorat du Rassemblement national, il commet une très lourde erreur d'interprétation".

Selon un baromètre Ifop pour Ouest-France paru mardi, 73% des électeurs du RN "désapprouvent l'action du Premier ministre", la même proportion se disant "opposé" au projet de budget Barnier, d'après une étude du même institut pour Sud Radio.

- "Le moins pire" -

Conséquence: "Il y a un chemin qui s'est fait dans mon esprit", jure désormais Marine Le Pen, le président du parti Jordan Bardella réfutant tout lien avec les ennuis judiciaires de cette dernière dans le procès des assistants parlementaires.

Elle semble tout de même rejoindre plusieurs de ses proches, le député Jean-Philippe Tanguy en tête, qui plaident pour une censure avant Noël.

"Nos réserves portaient sur nos électorats de conquêtes, c'est-à-dire les retraités et les chefs d'entreprise. Or, ils nous demandent de censurer", appuie un parlementaire RN, balayant les réserves de ses collègues qui s'inquiètent d'une déstabilisation de l'économie si le gouvernement venait à tomber.

Demeure un risque politique. "On n'est pas là pour se faire plaisir", rappelle un député RN du sud, qui ne souhaite pas endosser la responsabilité d'une crise institutionnelle. L'Assemblée ne pouvant être à nouveau dissoute avant l'été, toute censure avant apparaît vaine pour beaucoup, voire contre-productive. "Ce serait quel autre Premier ministre? Pour faire quoi de différent?", interroge celui pour qui "Barnier est le moins pire".

L'hypothèse est néanmoins prise au sérieux, d'abord par le gouvernement. Lundi, sa porte-parole Maud Bregeon a appelé les socialistes à "ne pas être dans une logique de censure automatique", ce qui permettrait "mathématiquement" que le RN n'ait plus le pouvoir de faire et défaire les rois.

Jean-Luc Mélenchon s'est pour sa part fait pythie: "Le gouvernement de Michel Barnier va tomber entre le 15 et le 21 décembre", a-t-il prédit dimanche sur France 3.

publié le 18 novembre à 19h19, AFP

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