France

L'évêque conservateur de Toulon part sur demande du pape après deux ans de crise

Mgr Dominique Rey lors de son ordination évêque par le cardinal Jean-Marie Lustiger à La Farlède (Var) le 17 septembre 2000

© SERGE PAGANO, AFP - Mgr Dominique Rey lors de son ordination évêque par le cardinal Jean-Marie Lustiger à La Farlède (Var) le 17 septembre 2000

Après 25 ans à la tête du diocèse de Fréjus-Toulon, le très conservateur Mgr Dominique Rey a été contraint de démissionner par le pape, ce qui va clarifier la gouvernance à la tête du diocèse où on lui avait déjà imposé de partager sa charge.

Âgé de 72 ans, il espérait continuer sa mission jusqu'à 75 ans, l'âge automatique de départ à la retraite pour un évêque. Mais le Vatican en a décidé autrement: "le nonce m'a informé que le Saint-Père me demandait de déposer ma charge d'évêque diocésain", a annoncé mardi Mgr Rey dans un communiqué.

Le Vatican n'a pas tardé à accepter cette démission, par voie de communiqué à la mi-journée, annonçant aussi la nomination pour lui succéder de Mgr François Touvet, qui lui servait de bras droit depuis fin 2023.

Depuis deux ans, le diocèse varois était en effet en crise. En 2022, le Vatican avait, décision rarissime, suspendu l'ordination de prêtres et déclenché un audit qui avait débouché sur la nomination d'un évêque coadjuteur, Mgr François Touvet, jusqu'ici évêque de Châlons-en-Champagne (Marne).

Ce dernier, chargé depuis novembre 2023 de l'administration, du clergé, de la formation des séminaristes et des prêtres, laissait de fait peu de pouvoirs à Mgr Rey.

Ce qui était reproché à Mgr Rey n'a rien à voir avec les nombreux scandales de violences sexuelles qui ont secoué l'Église ces dernières décennies.

"Il m'est principalement reproché l'accueil trop large de communautés ou de vocations sacerdotales et religieuses, en particulier issues du monde traditionnel, ainsi que des dysfonctionnements dans la gestion économique et financière du diocèse", explique mardi l'évêque dans une interview à l'hebdomadaire Famille Chrétienne.

Depuis, il n'y pas eu "d'éléments nouveaux" et "le Vatican a contraint Mgr Rey à la démission, suscitant un sentiment d'injustice. Mais il n'est pas révolté et obéit", a indiqué à l'AFP l'entourage de l'évêque.

La Conférence des évêques de France a, dans un communiqué laconique, souhaité "une belle nouvelle étape pastorale au diocèse de Fréjus-Toulon et à ses fidèles".

- Situation "intenable" -

Selon un bon connaisseur du dossier qui ne souhaite pas être cité nommément, "il n'y a pas eu de fait nouveau" ayant poussé au départ mais plus "une usure", car continuer avec une gestion bicéphale "aurait été intenable".

Adjoindre à Mgr Rey un coadjuteur était "une manière de lui permettre de sortir la tête haute, à condition qu'il comprenne qu'il devait partir". "Dommage, il aurait dû comprendre de lui-même" et ne pas s'accrocher à sa charge, ajoute cette source.

Selon une autre source au sein de l’Église, "ça devenait compliqué dans la gestion du diocèse" et "à un moment, Rome lui a demandé de clarifier".

Le faire accompagner par un adjoint était une façon de "ne pas prendre une décision trop brutale" de le sanctionner, a-t-elle ajouté.

Mais du côté de l'évêque, cette demande de démission a été perçue comme "surprenante", vécue comme "un tremblement de terre".

Issu de la communauté de l'Emmanuel (un symbole du "renouveau charismatique"), Mgr Rey, promoteur d'un catholicisme remusclé, était critiqué au sein de l'Église pour son style qui a pu s'inspirer de pasteurs évangéliques américains.

Sa politique d'accueil de communautés nouvelles faisait également débat, visant les traditionalistes et adeptes de la messe en latin par exemple, et d'autres charismatiques, venant en particulier d'Amérique latine.

En un quart de siècle, il a ordonné plus de 160 prêtres et ce diocèse du sud-est de la France, une région à la fois touristique et rurale, compte aujourd'hui 250 prêtres sur 150 communes.

S'il refuse l'étiquette "trop passéiste" de conservateur, Mgr Rey n'en avait pas moins apporté un soutien marqué en 2012-2013 à La Manif pour Tous qui s'opposait au mariage pour tous. L'accueil offert en 2015 à Marion Maréchal lors d'une université d'été catholique dans le Var avait aussi suscité l'émoi dans les rangs chrétiens.

"La sphère traditionnelle doit être dans l'Église, pas à part. Dans mon diocèse, j'ai eu à cœur qu'elle ne stagne pas dans un monde parallèle", a-t-il redit mardi à Famille Chrétienne.

Mais pour un autre observateur, il s'agissait d'"un cas pathologique de suractivité" et "dont personne n'arrivait à se défaire".

publié le 7 janvier à 16h07, AFP

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