Société

Urgences : une étude dénonce des diagnostics différents selon le genre et l’origine des patients

© Huchot-Boissier Patricia/ABACA

Selon une étude menée par des chercheurs montpelliérains, pour une même pathologie, le cas des femmes et les personnes noires est souvent jugé moins grave que ceux des personnes blanches. Des résultats qui interrogent.

La couleur de peau ou le sexe ont-ils une importance sur le traitement des patients aux urgences ? C'est en tout cas ce qu'a cherché à vérifier une étude menée par des chercheurs montpelliérains et publiée dans la revue internationale European journal of emergency medicine, dont se fait l'écho Radio France. En tout, pas moins de 1 500 soignants originaires de 159 villes en France, mais aussi de Belgique, de Suisse et de Monaco ont participé à l'étude. Et les résultats sont édifiants. "Avec le même cas clinique, si vous associez l'image d'un homme, d'une femme, ou de personnes qui ont une apparence ethnique différente, il y aura une évaluation différente de la gravité", explique le Pr Xavier Bobbia, chef du service des urgences du CHU de Montpellier qui a coordonné l'étude.

Des préjugés sexistes et racistes persistants

L'enquête, qui portait sur huit profils type de malades quinquagénaires générés par une intelligence artificielle, devait voir chacune des personnes arrivées aux urgences, triées en fonction de la gravité de leurs symptômes sur une échelle de 1 à 5. Afin de rendre l'expérience la plus neutre possible, les quatre hommes et quatre femmes étaient tous pris en "plan moyen, la main sur la poitrine, habillés des mêmes couleurs mais issus d’ethnies différentes : Asiatiques, blancs, Maghrébins et noires", rapporte France 3. Verdict : le cas des femmes est souvent jugé moins grave comparé à celui des hommes, soit "le plus gros effet", pointe du doigt le professeur Bobbia. Pire, selon les résultats, le cas d'une femme noire n'est jugé grave que dans 42% des cas, contre 63% pour un homme blanc. "Le gap est énorme, cela fait 50% de chance en plus d'être classé dans les urgences vitales pour les hommes blancs. On ne s'attendait pas à cela, et on ne peut le tolérer", poursuit-il.

Ainsi, si on regarde dans le détail les résultats, sur l'ensemble du panel, 55% des patients sont considérés en urgence vitale, dont 62% des hommes et 49% des femmes. Si on s'intéresse uniquement à leur ethnie, il ressort alors que 61% des personnes d'origine maghrébine sont triées en urgence vitale, 58% pour les patients blancs, 55% pour les Asiatiques et seulement 47% des patients noirs.

Face à de telles conclusions, le Pr Xavier Bobbia met en avant ce que l'on appelle le "diagnostic intuitif" basé sur "l'expérience, lié aux préjugés, et qui a un impact sur le travail des soignants", alors même que de nombreux préjugés touchant les patients persistent encore dans notre société. "On avait cette intuition surtout concernant les préjugés sexistes, mais on a été surpris de l'ampleur des résultats", conclut le professeur.

publié le 13 janvier à 11h53, Kévin Comby, 6Medias

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