France

Attaque au hachoir visant Charlie Hebdo: un accusé qui réfute l'appellation "terroriste"

Croquis d'audience devant la cour d'assies des mineurs de Paris, réalisé le 6 janvier 2025, avec l'accusé Zaheer Mahmmod, deuxième à droite

© Benoit PEYRUCQ, AFP - Croquis d'audience devant la cour d'assies des mineurs de Paris, réalisé le 6 janvier 2025, avec l'accusé Zaheer Mahmmod, deuxième à droite

Accusé de tentatives d'assassinats et de participation à une association de malfaiteurs terroriste pour avoir violemment agressé en 2020 deux personnes avec une feuille de boucher devant les anciens locaux de Charlie Hebdo, le Pakistanais Zaheer Mahmood réfute l'appellation de "terroriste".

S'exprimant devant la cour d'assises spéciale des mineurs de Paris dans un français hésitant ou en ourdou, Zaheer Mahmood, 29 ans, a de nouveau exprimé mardi des regrets à l'égard de ses victimes sans effacer les doutes sur ses motivations.

Son examen de personnalité -les faits seront examinés seulement la semaine prochaine- révèle un homme sous l'emprise, à l'époque des faits, de l'imam Khadim Hussain Rizvi, fondateur au Pakistan d'un parti islamiste radical prônant la peine de mort par décapitation pour les "blasphémateurs".

L'enquête a notamment démontré que Zaheer Mahmood écoutait assidûment les prêches incendiaires de l'imam, décédé en novembre 2020.

En chemise et pantalon bleus, Zaheer Mahmood explique que c'est dans une prison française qu'un imam lui a appris que le Coran n'appelait pas au meurtre. "Je lis le Coran en arabe mais je ne le comprends pas", dit-il.

S'il exprime aujourd'hui des regrets pour les victimes... il semble que c'est pour ne pas avoir frappé les bonnes personnes.

Zaheer Mahmood qui visait des salariés de Charlie Hebdo -il ignorait que l'hebdomadaire avait déménagé après les attentats du 7 janvier 2015- a grièvement blessé deux employés de l'agence de presse Premières Lignes qui se trouvaient sous le porche des anciens locaux de Charlie Hebdo, rue Nicolas-Appert, pour fumer une cigarette.

- "Vraiment triste" -

"Ce n'est pas commun d'utiliser une feuille de boucher", fait remarquer la présidente Caroline Jadis-Pomeau. "Au Pakistan, on coupe le bois avec", répond Zaheer Mahmood.

Les deux victimes, une femme de 28 ans et un homme de 32 ans, ont été grièvement blessées au visage sous les coups de hachoir de l'accusé.

"En prison, je faisais des cauchemars" en pensant aux victimes, raconte-t-il à la cour. "Je ne me sentais pas bien. J'étais vraiment triste", poursuit-il dans une salle d'audience quasiment vide.

C'est en apprenant que ses victimes étaient "hors de danger" qu'il ressent du soulagement. "J'étais heureux que les victimes soient en bonne santé", ose-t-il, provoquant une certaine incrédulité sur les bancs des parties civiles.

En détention, Zaheer Mahmood a fait plusieurs tentatives de suicide. Certaines "mises en scène" selon la cour. Lors de l'une de ces tentatives, il a écrit sur le mur de sa cellule: "Vive Mohammad - Je suis pas terroriste".

Avec ses cinq amis coaccusés, poursuivis eux pour association de malfaiteurs terroriste, Zaheer Mahmood possèdent de nombreux points communs.

Les six accusés, dont trois étaient mineurs au moment des faits, sont originaires de la même région rurale du Pendjab. Ils sont arrivés clandestinement en France, sous une fausse identité, entre 2018 et 2019.

La France est vue comme un pays de cocagne où "il est très facile de travailler et de gagner de l'argent". Mineurs ou non, les exilés, dont Zaheer Mahmood, trichent sur leur âge dans l'espoir d'être pris en charge dans des foyers pour mineurs non accompagnés.

Quand en septembre 2020 une vague de haine déferle sur les réseaux sociaux et dans plusieurs pays musulmans dont le Pakistan après la nouvelle publication par Charlie Hebdo des caricatures de Mahomet, Zaheer Mahmood qui se décrit lui-même comme "sensible" et trop "susceptible" est "en colère".

Il raconte qu'à l'époque des faits, il prenait parfois de l'ecstasy. Jeune adolescent au Pakistan, il aurait été témoin de l'assassinat d'un de ses oncles.

Ce lourd passé de violences peut-il servir d'excuses ?

L'attaque au hachoir de septembre 2020 n'était pas la première du genre, rappelle la cour. Trois mois avant, en juin, Zaheer Mahmood avait été impliqué dans une rixe entre ressortissants pakistanais gare du Nord à Paris. Il était déjà armé d'une feuille de boucher.

Le procès est prévu jusqu'au 24 janvier.

publié le 7 janvier à 17h34, AFP

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