Impôts, dépense publique, retraites : ce qu'il faut retenir du discours de politique générale du Premier ministre Michel Barnier
© Blondet Eliot/ABACA - Michel Barnier lors de son discours de politique générale, le 1er octobre 2024.
Nommé en septembre après deux mois sans gouvernement, Michel Barnier présentait, mardi 1er octobre à 15 heures, les grandes lignes des réformes prévues. Impôts, éducation, sécurité... Voici ce qu'il fallait retenir de son discours de politique générale.
Michel Barnier était attendu à 15 heures pour son discours de politique générale. "Nous sommes sur une ligne de crête", a-t-il déclaré en préambule, mardi 1er octobre. A peine son discours commencé, l'homme politique âgé de 73 ans a dû, tout au long de celui-ci, faire avec les sifflements et huées de la part de l'opposition, témoignant du peu de marge de manoeuvre dont il disposera pour appliquer sa politique.
"Nous devons faire bien, et avec peu", a-t-il ajouté, en référence à l'important déficit public français, qui devrait dépasser 6 % du PIB cette année, soit "le deuxième poste de dépenses de l'État derrière l'école", a encore rappelé le Premier ministre nouvellement nommé. Michel Barnier a commencé par faire l'inventaire de l'état des comptes publics, avant de se lancer dans l'énoncé de la feuille de route de son gouvernement, qui comporte "cinq grands chantiers".
Réduire les dépenses publiques
"Le premier remède de la dette, c'est la réduction des dépenses." Le Premier ministre l'a dit, la priorité du nouveau gouvernement sera d'assainir les comptes publics en jouant sur les dépenses. En 2025, "les deux tiers de l'effort de redressement" viendront de la réduction des dépenses. Michel Barnier a ainsi exhorté les députés à "renoncer à l'argent magique, à l'illusion du tout-gratuit, à la tentation de tout subventionner", arguant que cette baisse des dépenses sera faite "avec les collectivités, pas contre elles ni sans elles".
Le Premier ministre s'est ensuite attaqué à l'efficacité de la dépense publique, qui doit être selon lui systématiquement évaluée : "Trop souvent, nos concitoyens ont l'impression de ne pas en avoir pour leurs impôts." Il a ainsi promis de "faire la chasse" aux fraudes, doublons et autres subventions jugées inefficaces. Une telle politique passe par le développement systématique d'une "culture de l'évaluation", a-t-il précisé.
"Le troisième remède est d'ordre fiscal"
"Nos impôts sont parmi les plus élevés au monde", a également rappelé Michel Barnier, pour qui "la situation de nos comptes demande aujourd'hui un effort ciblé, limité dans le temps, partagé, dans une exigence de justice fiscale". Il a ainsi annoncé, comme évoqué depuis plusieurs jours, que les grandes et très grandes entreprises, ainsi que les "Français les plus fortunés", seront mis à contribution de manière "exceptionnelle".
Le Premier ministre a également réitéré sa volonté de lutter contre la "fraude fiscale et sociale", notamment en "sécurisant les cartes vitales", pour "éviter le versement indu d'allocations". "Le projet de loi de finances 2025 (PLF) qui est préparé dans l'extrême urgence tient compte de cette nécessité de redresser les comptes", a-t-il averti, appelant les parlementaires à en débattre et à l'améliorer.
"Il y a une autre épée de Damoclès, celle de la dette écologique"
"Nous n’héritons pas la terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants." Michel Barnier a aussi affirmé vouloir faire "plus" pour "préserver la biodiversité" et encourager l'économie circulaire, notamment en renforçant l'action de la France au sein de l'Union européenne (UE).
"La transition écologique doit être l'un des moteurs de notre politique industrielle : décarbonation des usines, encouragement à l'innovation, implantation de nouvelles industries de la transition, renforcement de nos filières de recyclage." Le Premier ministre a évoqué une "écologie des solutions" et l'investissement dans les énergies renouvelables, tout en se disant favorable à la poursuite du développement du nucléaire. Enfin, pour clôturer le chapitre sur le climat, le Premier ministre a annoncé vouloir organiser une "grande conférence nationale" sur la question de l'eau et de la gestion de cette ressource.
Pas d'immobilisme et une réflexion sur la proportionnelle
Michel Barnier a voulu se montrer déterminé devant les députés, affirmant qu'il n'y a "pas de fatalité aussi longtemps qu'il n'y a pas de fatalisme". Rappelant les divisions au sein de l'Assemblée, il a cependant estimé que "les Français ne nous pardonneraient pas l'immobilisme", exhortant par là-même ses opposants politiques à faire preuve de bonne volonté. Les Français "nous demandent des réponses urgentes à quelques grandes questions : l'accès rapide aux soins de qualité près de chez soi, comment vivre de son travail et de sa retraite dignement, comment améliorer les services publics, comment assurer la sécurité dans mon quartier ou dans mon village", a constaté le Premier ministre.
Il a prôné une réduction du nombre de textes de loi afin de donner plus de temps à leur examen, et promis de l'"écoute" et du "respect" envers toutes les sensibilités politiques. Et ce, "même si ce respect n'est pas toujours réciproque", a-t-il ajouté avant d'annoncer : "Nous allons faire du dialogue et de la culture du compromis un principe de gouvernement." Enfin, face à une situation politique inédite, le Premier ministre s'est dit "prêt" à "une réflexion sur le scrutin proportionnel".
Un "renouveau du dialogue social" au sujet du chômage et des retraites
Concernant les grandes réformes des derniers gouvernements d'Emmanuel Macron, qui ont été le théâtre de profondes scissions entre les syndicats et les politiques, notamment la réforme de l'assurance-chômage et la réforme des retraites de 2023, Michel Barnier a assuré vouloir un "renouveau du dialogue social". Il a dit être prêt à relancer les négociations entre les partenaires sociaux "dès les prochaines semaines sur l’emploi des seniors et sur notre système d’indemnisation du chômage". Au sujet des retraites, bien qu'il ait insisté sur la nécessité de maintenir l'équilibre, le Premier ministre a indiqué que "certaines limites de la loi votée le 15 avril 2023 peuvent être corrigées".
Après 50 minutes de discours, Michel Barnier a également évoqué le pouvoir d'achat des Français, et une amélioration de leur niveau de vie "dès l'année prochaine", a-t-il promis. Pour atteindre ce but, il a annoncé une revalorisation de 2 % du smic "dès le 1er novembre par anticipation de la date du 1er janvier". Il a également déploré que les "dispositifs d’allégement de charges freinent la hausse des salaires au dessus du smic" et dit vouloir régler ce problème.
Revenir au calme dans les outre-mer
Face à la situation en Nouvelle-Calédonie depuis plusieurs mois, ainsi qu'aux manifestations actuelles contre la vie chère en Martinique, le Premier ministre a annoncé la création au premier trimestre 2025 d'un comité interministériel des outre-mer qu'il présidera lui-même, affirmant vouloir "lutter rapidement contre la vie chère qui frappe nos compatriotes dans ces territoires". Concernant le cas spécifique de la Nouvelle-Calédonie, où les tensions liées au projet de loi de dégel du corps électoral ont atteint leur paroxysme en juin dernier, Michel Barnier a annoncé que le projet de loi en question ne sera finalement "pas soumis au Congrès, comme le confirmera le président de la République".
"Aucune remise en cause" de l’IVG et du mariage pour tous
L'IVG, le mariage pour tous et les "dispositions législatives sur la PMA" ne seront pas remis en cause. C'est ce que Michel Barnier a assuré en milieu de discours, répondant ainsi aux craintes d'une grande partie des députés, et notamment d'une partie des députés du groupe Ensemble pour la République, dirigé par l'ex-Premier ministre Gabriel Attal.
Répondre rapidement à la crise du logement et valoriser l'agriculture
Relancer "l’investissement locatif et l’accession à la propriété". Voilà les objectifs fixés par Michel Barnier en matière de logement. En parallèle, le Premier ministre souhaite relancer la production de logements neufs, notamment en simplifiant "au maximum les normes qui pèsent sur la construction de logements neufs ou la réhabilitation des logements anciens". Au sujet du projet de loi sur le logement abordable, annoncé en avril dernier et qui n'avait finalement pas été examiné du fait de la dissolution, Michel Barnier l'a évoqué à nouveau et a annoncé son retour à l'agenda de l'Assemblée nationale.
Enfin, après près d'une heure de discours, le Premier ministre a abordé le "grand atout" que représente, à ses yeux, l'agriculture française, dont la "production est vitale pour notre souveraineté alimentaire et pour la compétitivité de notre pays". Il a ensuite affirmé vouloir renforcer le soutien aux agriculteurs et producteurs. Et, côté consommateurs, permettre "une alimentation saine, variée, de qualité, traçable, qui doit être à la portée de tous", ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, a-t-il précisé.
Lutter contre les déserts scolaires et médicaux
Sur l'éducation, Michel Barnier entend redonner ses lettres de noblesse au métier d'enseignant pour le rendre attractif à nouveau mais sans détailler pour le moment des mesures plus précises. Quant à la santé, le Premier ministre entend lutter contre les déserts médicaux, promettant que "la pénurie de soignants sera l'une des priorités du gouvernement". La création de 15 000 postes d'internes a été évoquée comme un début de solution. Enfin, le Premier ministre a confirmé que la santé mentale sera "la grande cause nationale de 2025". Il a également annoncé que le projet de loi sur la fin de vie sera de nouveau sur la table des députés dès 2025.
Sécurité et immigration : plus de forces de l'ordre et de contrôle
Sujet très attendu, la question de la sécurité a été abordée en fin de discours. Le Premier ministre a réaffirmé sa volonté de rendre les forces de l'ordre plus visibles dans l'espace public afin de sécuriser certains quartiers. Dans la même ligne d'idée, il s'est dit favorable à la "la création d’une procédure de comparution immédiate pour les mineurs délinquants de plus de seize ans, déjà connus de la justice et poursuivis pour les actes graves", reprenant ainsi un projet évoqué par Gabriel Attal lorsque celui-ci était Premier ministre.
Face à ce durcissement voulu du système judiciaire, Michel Barnier s'est positionné en faveur de la construction de places de prison, ainsi que de l'allongement de la durée de rétention administrative pour les étrangers en situation irrégulière, faisant ainsi écho aux débats ayant éclatés après le viol puis le meurtre d'une adolescente nommée Philippine par un Marocain sous Obligation de quitter le territoire français (OQTF). Sur la question migratoire, le Premier ministre a estimé que les politiques d'intégration et d'immigration n'était plus maîtrisées de "manière satisfaisante". Il envisage donc de restreindre "davantage" les visas pour certains pays qui ne voudraient pas récupérer leurs ressortissants expulsés.
Enfin, au niveau international, le Premier ministre a plaidé pour un "cessez-le-feu à Gaza" et au Liban, s'inscrivant ainsi dans la ligne prôné jusqu'ici par le gouvernement.
publié le 1 octobre à 15h00, Caroline Chambon, 6Medias.