Politique

Nouvelle-Calédonie: une réforme sensible à l'Assemblée, de vives tensions dans l'archipel

  • Des drapeaux du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) lors d'une manifestation à Nouméa contre l'élargissement du corps électoral pour les prochaines élections provinciales, le 13 avril 2024 en Nouvelle-Calédonie
    ©Theo Rouby, AFP - Des drapeaux du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) lors d'une manifestation à Nouméa contre l'élargissement du corps électoral pour les prochaines élections provinciales, le 13 avril 2024 en Nouvelle-Calédonie
  • Des drapeaux du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) lors d'une manifestation à Nouméa contre l'élargissement du corps électoral pour les prochaines élections provinciales, le 13 avril 2024 en Nouvelle-Calédonie
    ©Theo Rouby, AFP - Des drapeaux français lors d'une manifestation en faveur de l'élargissement du corps électoral pour les prochaines élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, le 13 avril 2024 à Nouméa 
  • Des drapeaux du Front de libération nationale kanak socialiste (FLNKS) lors d'une manifestation à Nouméa contre l'élargissement du corps électoral pour les prochaines élections provinciales, le 13 avril 2024 en Nouvelle-Calédonie
    ©Theo Rouby, AFP - Des indépendantistes manifestent contre l'élargissement du corps électoral pour les prochaines élections provinciales en Nouvelle-Calédonie, le 13 avril 2024 à Nouméa 

A 17.000 kilomètres de Nouméa, l'Assemblée nationale a démarré lundi l'examen d'une révision constitutionnelle visant à élargir le corps électoral propre au scrutin provincial de l'archipel, un point sensible qui cause de vives tensions sur place entre loyalistes et indépendantistes.

Véhicules incendiés, pillages, barrages filtrants, interpellations... Sur le Caillou, des violences ont émaillé la journée et la soirée de lundi, alors que s'ouvraient les débats à Paris.

Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a lancé la discussion en assurant que la réforme, qui ouvre le scrutin provincial aux résidents installés depuis au moins dix ans sur l'île, n'était "pas seulement une volonté politique, mais une obligation morale pour ceux qui croient à la démocratie".

Il a appelé les députés à adopter le texte sans modification lors d'un vote solennel prévu mardi après-midi, a priori sans suspens pour le camp présidentiel, soutenu par la droite et l'extrême droite sur ce projet.

Après celle du Sénat, l'approbation de l'Assemblée est nécessaire pour faire cheminer ce projet gouvernemental, avant de réunir le Parlement en Congrès pour réviser la Constitution, à une date qui reste à fixer.

Prônant l'apaisement, Emmanuel Macron a promis dimanche de ne pas convoquer le Congrès "dans la foulée" du vote de l'Assemblée, selon son entourage. Le président de la République veut laisser une dernière chance aux discussions entre les parties prenantes locales en vue d'un accord institutionnel global.

- "Main tendue" -

M. Darmanin a assuré que ces dernières seront invitées "rapidement" à Paris pour "discuter autour du Premier ministre, autour du gouvernement". Mais cette "main tendue" de l'exécutif est pour le moment "refusée" par le camp indépendantiste, selon lui.

Derrière ce texte de loi assez technique se joue une grande partie de l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, comme en témoignent les tensions croissantes que connaît l'archipel ces derniers jours.

Deux camps s'opposent. Celui des non-indépendantistes, favorables à la réforme, et celui des indépendantistes qui y voient au contraire un passage en force de l'Etat pour "minoriser encore plus le peuple autochtone kanak".

Lundi soir, la mobilisation a franchi un nouveau cap, avec plusieurs sites en proie aux flammes et des affrontements entre forces de l'ordre et jeunes manifestants masqués, autour de plusieurs rond-points bloqués, a constaté l'AFP. Au moins 20 interpellations ont eu lieu de source policière, et 26 gendarmes ont été blessés selon la gendarmerie.

Face aux tensions locales grandissantes, trois anciens Premiers ministres, Jean-Marc Ayrault, Edouard Philippe et Manuel Valls, ont plaidé ces derniers jours pour que Gabriel Attal reprenne la main sur ce dossier sensible, historiquement piloté par Matignon.

Une mise en garde partagée par une partie de l'opposition: "L'État doit au plus vite retrouver son rôle d'intermédiaire impartial en lançant, sous la responsabilité du Premier ministre, une nouvelle mission du dialogue", a demandé le député socialiste Arthur Delaporte avant de défendre une motion de rejet préalable du texte, largement écartée.

La France insoumise a également exhorté le gouvernement de "cesser d'attiser les tensions qui fracturent la population", redoutant une "véritable bombe contre la paix civile".

- "A l'absurde" -

En séance, Gérald Darmanin a dénoncé "l'attitude irresponsable" du mouvement de Jean-Luc Mélenchon en l'accusant de "jouer l'obstruction", alors que de nombreux amendements sans lien avec le texte ont été déposés.

La réforme constitutionnelle vise à ouvrir les élections provinciales aux résidents installés depuis au moins dix ans. Prévu à ce stade au plus tard le 15 décembre, ce scrutin est essentiel sur l'archipel où les trois provinces détiennent une grande partie des compétences.

Etabli en 1998 par l'accord de Nouméa, le corps électoral est en effet gelé, ce qui a pour conséquence, 25 ans plus tard, de priver de droit de vote près d'un électeur sur cinq. "La situation actuelle mène à l'absurde, à la voie antidémocratique", a martelé le ministre de l'Intérieur.

Au Sénat, un mécanisme a été ajouté pour permettre la suspension de cette réforme constitutionnelle si un accord local survient jusqu'à 10 jours avant les prochaines élections provinciales. Le gouvernement avait initialement fixé une date limite au 1er juillet, perçue comme un "ultimatum" par les oppositions.

A l'Assemblée nationale, le projet de loi a été adopté sans encombre en commission avec le soutien du camp présidentiel, de la droite et de l'extrême droite.

publié le 13 mai à 19h17, AFP

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