"Mobiliser les nôtres": plus que jamais, LFI continue de miser sur les banlieues
Confortée par ses très bons scores dans les quartiers populaires aux dernières élections, La France insoumise continue de miser sur le vote des banlieues pour arriver au pouvoir, une stratégie qui en laisse pourtant certains sceptiques, à l'intérieur même du mouvement.
Ce week-end, LFI organisait à Epinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis, sa deuxième édition des Rencontres nationales des quartiers populaires.
Au programme: débats, discours et ateliers sur le logement, l'accès aux services publics ou les violences policières, avec des personnalités comme Assa Traoré, figure du combat contre les violences policières, ou l'avocat Salah Hamouri, militant de la cause palestinienne.
"Arriver à mobiliser les nôtres c'est ça l'enjeu", a expliqué à la presse Eric Coquerel, qui organisait le rendez-vous où se sont rendus quelques centaines de militants et d'habitants.
"En 2017, les 600.000 voix qui nous manquaient (pour accéder au second tour, ndlr) étaient là", a analysé le député de Seine-Saint-Denis.
En 2022, Jean-Luc Mélenchon a encore progressé dans les quartiers (49,09% par exemple au premier tour en Seine-Saint-Denis, un département qui a envoyé neuf députés LFI à l'Assemblée), mais la marche qui le séparait du second tour était cette fois de 400.000 voix.
Car, encore plus que La France insoumise, c'est la figure de son leader qui mobilise - comme on l'a notamment vu aux législatives 2022 avec le slogan "Mélenchon Premier ministre".
Ce dernier a été copieusement applaudi samedi à Epinay lors de son discours où il a parlé de lutte contre "l'apartheid social", s'est présenté comme un "Maghrébin européen" (il est né au Maroc) et a rappelé avoir passé une partie de sa jeunesse "dans une cité populaire d'Yvetot, en Normandie".
- "Racisme" -
"Quand je vais dans les quartiers populaires de ma circonscription avec la photo de Jean-Luc, on m'offre le thé et on me garde à dormir!", témoigne dans un sourire Léo Walter, député des Alpes-de-Haute-Provence.
"Mélenchon dit les choses clairement", décrypte Aurélien Saintoul, élu des Hauts-de-Seine, ajoutant voir le fondateur de LFI comme "le seul à n'avoir jamais tergiversé sur le racisme et l'islamophobie".
Et concernant les accusations de drague de l'électorat musulman, Aurélien Saintoul de balayer: "les musulmans dans ce pays c'est même pas 10% des gens en âge de voter".
Les détracteurs des Insoumis accusent en effet ces derniers de flatter l'électorat de banlieue, sensible à la question palestinienne, en multipliant les prises de position critiques envers Israël. Une forme de "racisme", balaie Jean-Luc Mélenchon.
"Les quartiers sont très méfiants de ce qu'a fait la gauche pendant des années, elle les a vus simplement comme un réservoir de voix", prévient Eric Coquerel, arguant que La France insoumise doit travailler sur le temps long pour être présente "en dehors des élections". "On commence à avoir des réseaux", se félicite-t-il.
- "Compliqué" -
"On marche à côté de ceux qui nous assument", a déclaré samedi sur scène Assa Traoré.
Prévenant qu'elle n'appartenait à "aucun parti", Laetitia Linon, du Collectif des familles de victimes d'assassinats, à Marseille, a pour sa part remercié le député LFI des quartiers Nord Sébastien Delogu, précisant que "tous les partis politiques, à part un", avaient fermé les portes à son association.
Avant la perspective de la présidentielle de 2027, les municipales de 2026 pourraient être une occasion pour LFI de vérifier l'efficacité de la stratégie.
Pour les européennes de juin, "ça va être compliqué", reconnait Eric Coquerel: "La partie populaire de notre électorat se déplace peu" pour ce scrutin.
Mais à l'heure où François Ruffin tente d'incarner le nouveau visage de la gauche radicale, en s'orientant aussi vers les "bourgs" et l'électorat du RN, certains expriment leur doute.
"La recherche du clivage pour espérer galvaniser le coeur de notre électorat, notamment dans les quartiers populaires, peut nous affaiblir au premier tour", a déclaré la députée Clémentine Autain au média "Le Journal". Une autre élue se désespérant: "On ne va pas faire campagne que sur les violences policières et la Palestine quand même?".
Toujours en privé, un député alerte même sur les risques de "communautarisme", "si on ne parle pas aussi de services publics et de sécurité".
publié le 15 janvier à 15h50, AFP