Culture

Une statue du général Bigeard sème la zizanie à Toul

  • Des opposants à l'installation de la statue du sculpteur Boris Lejeune du général Marcel Bigeard, protestent devant la mairie, le 25 octobre 2024, à Toul, en Meurthe-et-Moselle
    ©Jean-Christophe VERHAEGEN, AFP - Des opposants à l'installation de la statue du sculpteur Boris Lejeune du général Marcel Bigeard, protestent devant la mairie, le 25 octobre 2024, à Toul, en Meurthe-et-Moselle
  • Des opposants à l'installation de la statue du sculpteur Boris Lejeune du général Marcel Bigeard, protestent devant la mairie, le 25 octobre 2024, à Toul, en Meurthe-et-Moselle
    ©Jean-Christophe VERHAEGEN, AFP - La statue du sculpteur Boris Lejeune du général Marcel Bigeard, le 25 octobre 2024, à Toul, en Meurthe-et-Moselle
  • Des opposants à l'installation de la statue du sculpteur Boris Lejeune du général Marcel Bigeard, protestent devant la mairie, le 25 octobre 2024, à Toul, en Meurthe-et-Moselle
    ©Jean-Christophe VERHAEGEN, AFP - Des passants devant la statue du sculpteur Boris Lejeune du général Marcel Bigeard, le 25 octobre 2024, à Toul, en Meurthe-et-Moselle
  • Des opposants à l'installation de la statue du sculpteur Boris Lejeune du général Marcel Bigeard, protestent devant la mairie, le 25 octobre 2024, à Toul, en Meurthe-et-Moselle
    ©Jean-Christophe VERHAEGEN, AFP - Des opposants à l'installation de la statue du général Marcel Bigeard, protestent le 25 octobre 2024, devant la mairie de Toul, en Meurthe-et-Moselle

Une statue en bronze de 2,50 mètres de haut érigée sur un grand socle jeudi et une manifestation en opposition vendredi : à Toul (Meurthe-et-Moselle), la figure du général Marcel Bigeard est controversée, son nom restant associé à la torture pratiquée pendant la guerre d'Algérie.

Ancien résistant, commandant des parachutistes coloniaux, le nom de Bigeard (1916 - 2010) reste attaché à deux épisodes tragiques de l'histoire, la chute de Dien Bîen Phu, qui sonna le glas de la présence française en Indochine, puis la guerre d'Algérie.

Elle a été érigée en toute discrétion et sans annonce préalable de la mairie, non loin de l'imposant monument aux morts de Toul jeudi. Vendredi après-midi, sous un grand soleil faisant reflèter le bronze de la sculpture, des dizaines de badauds passent la photographier ou l'observer.

Comme ce couple de Toulois qui a requis l'anonymat. La femme se remémore qu'elle faisait partie de ceux qui allaient "le réveiller avec la musique le 1er janvier à 06H00". Le général se rendait "à la piscine, et quand elle était fermée, il allait dans la Moselle!" complète son mari, ex-militaire.

Lui trouve qu'elle lui ressemble bien, "au temps de la guerre d'Indochine" (1946-1954). Marcel Bigeard était alors âgé d'une trentaine d'années. "A cette époque-là, il n'avait pas encore fait toutes les choses que les gens disent", complète l'épouse.

"Dans la ville, c'était un personnage sympathique, il disait toujours bonjour", dit à l'AFP René Maroten, 76 ans, qui a toujours vécu à Toul et se remémore l'avoir croisé de nombreuses fois "avec sa femme et sa fille".

Plus loin dans la cité, la cour de la mairie était dans le même temps occupée par quelques dizaines de membres d'un collectif opposé à l'érection de cette statue.

- Don -

"Non au symbole de la terreur coloniale", peut-on lire sur une pancarte. "Ne célèbrons pas le tortionnaire Bigeard", sur une autre. Certains manifestants portaient des chasubles de la Ligue des droits de l'homme qui soutient le Collectif "Histoire et Mémoire dans le Respect des Droits humains", opposé à la statue.

"Même si elle est là, on n'en veut pas", insiste auprès de l'AFP José Vaillant, l'un des manifestants, qui évoque un potentiel "combat juridique" à venir contre la statue et appelle à la mobilisation.

La mairie, de gauche, avait acté l'installation d'une statue du général Marcel Bigeard à deux reprises en conseil municipal, acceptant le don de l'oeuvre par la Fondation Marcel Bigeard, qui avait ce projet depuis plusieurs années.

"La torture coloniale a désormais une capitale : Toul, où une statue géante honore depuis (jeudi) la mémoire de celui qui inventa les vols de la mort, enseigna la torture en Algérie et ne le regretta jamais", a estimé sur ses réseaux sociaux l'historien Fabrice Riceputi.

"Ils ont osé", a aussi regretté dans un communiqué l'association Histoire coloniale et postcoloniale "Le maire de Toul joue-t-il sur la capacité d’oubli des Français ? Ou bien est-il lui-même ignorant en Histoire ?"

- "Pas responsable" -

Les historiens rappellent "qui fut cet officier français, engagé dans deux aventures coloniales, Indochine et Algérie, meurtrières pour les populations concernées mais aussi traumatisantes pour ceux des Français qui y furent jetés, catastrophiques presque vingt ans durant pour la renommée de la France."

Le militaire est né à Toul où il est aussi décédé le 18 juin 2010 à l'âge de 94 ans. Il a été élu député de cette circonscription de Meurthe-et-Moselle de 1978 à 1988, puis a été ministre.

Contactée par l'AFP, la mairie n'a pas donné suite.

Fin 2011, une polémique avait déjà enflé autour d'un éventuel transfert des cendres de Bigeard aux Invalides, de nombreuses personnalités de gauche s'étaient opposées à tout hommage officiel.

Soldat sorti du rang, devenu général de corps d'armée, au parcours exemplaire pour les milieux militaires, Bigeard est toujours considéré par une partie de la gauche comme une caricature du baroudeur colonial.

"On trouve pas responsable d'honorer quelqu'un qui a pratiqué la torture", insiste encore Isabelle Marc, du collectif contre la statue, rappelant qu'elle est sur un "piédestal, elle fait 4 mètres de haut". "C'est un symbole absolument déplorable pour l'avenir et pour nos enfants"

publié le 26 octobre à 09h19, AFP

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