Le PS à la recherche d'une victoire sur la réforme des retraites
Le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, tente d'arracher au gouvernement la suspension de la réforme des retraites en contrepartie d'une non-censure, ce qui lui permettrait d'obtenir une victoire pour la gauche mais compliquerait encore davantage sa relation avec LFI.
Alors que le précédent Premier ministre, Michel Barnier, avait rapidement refusé toute évolution de cette réforme controversée et majoritairement dénoncée par les Français, M. Faure a désormais le sentiment d'une ouverture du côté du nouveau gouvernement Bayrou.
"J'ai compris une chose simple, c'est qu'il n'y a pas de veto" de leur part, a-t-il dit jeudi matin sur TF1, "ce qui est un changement déjà en soi, parce que jusqu'ici il y avait toujours une espèce de mur qui tombait avec l'idée qu'on ne touchait à rien".
Il est vrai que le nouveau ministre de l'Economie, Eric Lombard, aux convictions de gauche, et qui est, de l'aveu de M. Faure, "un ami dans la vie", semble privilégier le dialogue avec la gauche en vue de la préparation du projet de budget 2025 pour éviter une motion de censure.
Le locataire de Bercy a aussi reconnu que, sur la réforme des retraites, il y avait "du grain à moudre". "Nous allons regarder les curseurs que nous pouvons bouger", a-t-il affirmé sur France Inter, y compris sur l'âge de départ repoussé de 62 à 64 ans en 2023. "On n'a pas dit qu'on n'y touchait pas".
Après une première rencontre lundi avec le ministre, le PS est revenu mercredi à la table des négociations, avec les Ecologistes et les communistes. Trois heures de discussions, et à la sortie, le sentiment que "c'est une vraie négociation", pour Olivier Faure.
L'absence de veto du gouvernement porte, selon lui, "sur l'ensemble" de la réforme, y compris sur l'âge de départ.
- "la gauche du rien" -
Le PS, qui martèle régulièrement son ambition de redevenir un parti de gouvernement, plaide à tout le moins pour une suspension de la réforme et l'organisation d'une conférence de financement "pendant plusieurs mois", pour "changer de système".
M. Faure se veut pragmatique: à l'échéance de la décennie, "il faudra trouver 15 milliards (d'euros) par an" pour financer les retraites, rappelle-t-il.
Un document de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, révélé par le journal économique Les Echos en octobre, indiquait ainsi qu'abroger le recul progressif de l'âge de la retraite coûterait 3,4 milliards d'euros en 2025, et près de 16 milliards en 2032.
Olivier Faure joue en tout cas son maintien à la tête du parti lors du prochain congrès du PS prévu dans l'année.
"Ce que nous faisons en ce moment, c'est de voir s'il y a de bonnes raisons de ne pas censurer", explique-t-il.
Son partenaire au sein du Nouveau Front populaire, La France insoumise a de son côté déjà promis une motion de censure après la déclaration de politique générale de François Bayrou le 14 janvier.
La négociation en cours, à laquelle LFI refuse de participer, a déclenché la colère de Jean-Luc Mélenchon. Il a dénoncé mercredi soir sur X la "forfaiture" et la "servilité" des représentants socialistes, écologistes et communistes. LFI fustige aussi les "reniements" vis-à-vis du programme du Nouveau Front populaire.
"La gauche du tout ou rien, c'est aujourd'hui la gauche du rien", a regretté M. Faure, qui dit vouloir "arracher des victoires" et notamment une "inflexion" de la politique conduite depuis sept ans.
"Il ne faut pas croire au père Noël. Jamais ce gouvernement ne reviendra sur la réforme des retraites", a rétorqué le coordinateur insoumis Manuel Bompard auprès de l'AFP.
Communistes et Ecologistes font également d'une abrogation, ou à tout le moins, d'une suspension de la réforme, le préalable à un accord avec le gouvernement.
Mais "au vu des discussions que nous avons eues à ce stade, nous n'avons aucune raison de ne pas voter la censure", a déclaré la cheffe des députés écologistes, Cyrielle Chatelain lors des journées parlementaires de son parti à Rennes.
L'abandon de la réforme des retraites est selon elle "une condition nécessaire si ce gouvernement ne veut pas tomber, mais ce n'est pas un geste suffisant", a-t-elle ajouté.
publié le 9 janvier à 19h58, AFP