France

Alpes : bloquée trois jours sous la neige, une skieuse raconte son calvaire

Avalée par la neige, Aurélie Dutertre a survécu à trois jours passés et quatre nuits sous la neige. Récit.

"Je me suis dit cette cabane, c’est mon tombeau." Aurélie Dutertre, 46 ans, revient de loin. La randonneuse à ski grenobloise a passé trois jours et demi et quatre nuits bloquée sous la neige. Courageuse et ingénieuse, elle raconte au Parisien son angoissant calvaire et l’arrivée des sauveteurs, le dimanche 16 avril. Partie pour un raid à ski de trois jours en solo dans le massif de Belledonne (Isère), cette montagnarde aguerrie a passé la première nuit “dans une petite cabane située près du lac de la Motte, à 2 130 m d’altitude. Cet abri, que les pêcheurs utilisent l’été, est minuscule. Il fait 4 m2 environ. C’était spartiate. Il y avait juste une bâche à l’intérieur”, raconte-t-elle.

Pendant la nuit, la neige se met à tomber. Pour éviter de se retrouver coincée dans son abri au petit matin (le refuge des 7 Laux était fermé), elle dégage l’entrée et se recouche. Deux heures plus tard, celle qui a déjà gravi le Mont-Blanc et le Kilimandjaro se réveille “avec un mauvais pressentiment”. “Là, impossible de ressortir. Avec le vent, une grosse masse de neige s’est accumulée devant la porte. Je pousse de toutes mes forces, je tape dans la porte en me disant : ‘Tu ne vas pas rester coincée là comme un rat. Mais rien à faire, je suis bloquée’.” Et pourtant.

“J’ai très froid”

Dans la nuit de jeudi à vendredi, de nouveaux flocons tombent. Si bien que la neige devant la porte de la cabane atteint peut-être 1,50 mètre. “Ça commence à devenir angoissant. Avec l’humidité, tous mes vêtements sont trempés. J’ai très froid. J’ai mis ma couverture de survie sur le sol pour tenter de m’isoler du froid. J’ai même fait une tente de fortune à l’intérieur de cette cabane”, décrit la survivante. Pour dormir, elle s’emballe dans plusieurs couches de vêtements et couvre son sac de couchage de morceaux de bâche et de vieilles moquettes restés dans l’abri. “J’étais congelée”, poursuit l’ostéopathe.

Dehors, la neige continue de s’amonceler. Gagnée par le désespoir, la skieuse pleure. Enterrée vivante, son portable ne passe pas dans cette zone des Alpes. “Comme si j’étais ensevelie sous une avalanche. Je me demandais combien de temps je pouvais continuer à respirer. On se dit qu’on va mourir mais on ne sait pas combien de temps ça va prendre”, explique-t-elle au quotidien. La situation se complique encore quand les piles de sa lampe frontale lâchent. “J’ai hurlé à la mort, comme un chien. Je n’avais plus de lumière. (...) C’est une sensation terrible de se retrouver seule dans le noir.

L'hélicoptère passe au-dessus d'elle

Pourtant, Aurélie Durtertre tient bon. “Je me suis dit : ‘Non, tu ne vas pas crever là ! Ce n'est pas possible. Je pensais à mes enfants. Et je me suis dit qu’il fallait que je me batte. Il me restait seulement un litre et demi d’eau, quelques barres de céréales, de la pâte d’amande, des abricots”, détaille-t-elle. Dans son sac, le livre plein d’espoir La vie devant soi, de Romain Gary, l’aide à croire qu’une fin heureuse est encore possible. Ne la voyant pas rentrer comme prévu le vendredi, son compagnon donne l’alerte.

Le pire est envisagé d’autant que les conditions météorologiques compliquent les recherches. Et puis dimanche matin, une éclaircie permet aux policiers secouristes de la CRS Alpes de survoler le massif de Belledonne en hélicoptère. “Ils sont passés une première fois au-dessus de la cabane, mais ils se sont dit qu’il y avait trop de neige pour que je sois dedans. Il ne restait qu’un centimètre en haut de la porte qui n’était pas encore recouvert de neige”, raconte la skieuse. Entendant l’hélicoptère, elle découpe un bout de ma couverture de survie qu’elle parvient à glisser dans l’interstice situé en haut de la porte pour qu’il s’envole. “C’est ça qui m’a sauvée…”

Une légère hypothermie

Comme espéré, les sauveteurs le repèrent. “Lorsqu’ils sont arrivés, je n’y croyais pas. Ils m’ont dit : ‘On est là, on est là !’ J’étais comme une dingue. Je me suis mise à pleurer à gros sanglots. Je n’avais pas pleuré comme ça depuis que j’étais petite fille. Ils ont déneigé, déneigé…” Les secours progressent et évacuent deux mètres de neige accumulés devant la porte. Parmi eux, deux “copains. L’un d’entre eux m’a dit : ‘Aurélie, je suis tellement content de te voir. J’y croyais plus’.” La Grenobloise s’en sort avec une légère hypothermie et des écorchures aux mains. Elle se les est faites à force de taper sur la porte de la cabane pour tenter d’en sortir.

publié le 18 avril à 10h50, Orange avec 6Medias

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