Procès du RN: aucun "système" de détournement de fonds publics, soutient Marine Le Pen
Aucun "système" de détournement de fonds au RN: après un mois de procès, Marine Le Pen a commencé à s'expliquer mardi en fin d'après-midi sur l'utilisation, frauduleuse selon l'accusation, de l'argent européen par le parti.
En tailleur noir et bottines, elle a rejoint la barre du tribunal correctionnel de Paris peu avant 18H00, après avoir secoué la tête en désaccord depuis le début de l'après-midi, assise sur un banc, pendant que l'ex-trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just, était interrogé.
"Depuis" le début du procès, "on tourne autour d'une dizaine de mails, de SMS, dont on considère qu'ils sont mal rédigés, suspects, maladroits. Mais ça reste une dizaine de mails sur des dizaines de milliers", démarre la cheffe de file de l'extrême droite, dès que la présidente lui donne la parole.
Dans une longue tirade de plus d'une heure, la triple candidate à la présidentielle déroule alors son argumentation, réécrivant parfois le dossier, éludant les points qui fâchent.
En 2014, avec 23 députés européens fraichement élus et sans groupe parlementaire, le FN était obligé de "mutualiser" le travail de ses assistants, argue la prévenue. D'ailleurs, la "centralisation" fait partie de la "culture du Front National", ajoute-t-elle.
Pour autant, cela ne signifie pas que les enveloppes des eurodéputés RN, 21.000 euros par mois, étaient gérées par la direction du parti afin en particulier de payer des assistants parlementaires "fictifs" qui travaillaient en réalité pour le parti comme en est convaincue l'accusation, insiste-t-elle.
Interrogatoire après interrogatoire, contrat par contrat, le tribunal dissèque depuis le 30 septembre ce fameux "système" - le mot met Marine Le Pen hors d'elle - qui aurait permis au Rassemblement national (ex-FN) de "soulager les finances" du parti entre 2004 et 2016.
Le Parlement européen a fait une première estimation de son préjudice financier à trois millions d'euros, mais prévenu qu'elle pourrait évoluer.
- "Déstabilisée" -
Les huit autres ex-eurodéputés frontistes et douze de leurs assistants parlementaires, jugés à ses côtés pour détournement de fonds publics et recel de ce délit, ont tous juré avoir travaillé dans les règles. Même si les collaborateurs occupaient des fonctions particulièrement prenantes en France, comme garde du corps ou assistant personnel de Jean-Marie Le Pen.
"Le fait d'être assistant parlementaire, ça ne dit rien du contenu du travail. Ca va aller de la secrétaire au rédacteur de discours, du juriste au graphique, du garde du corps à celui qui tient la permanence", affirme Marine Le Pen. "Il y a autant de tâches possibles que d'assistants parlementaires !"
Après avoir comparu en tant qu'eurodéputée, elle est interrogée avec sa deuxième "casquette", présidente du parti, dont elle a pris la tête après son père Jean-Marie Le Pen en 2011, pour répondre cette fois de complicité de détournement de fonds publics.
"Jamais je n'ai dit à un député: +toi, tu vas prendre untel+, c'est faux, c'est un mensonge", assure-t-elle au cours de son monologue. Tout juste admet-elle avoir un "droit de veto" sur les "gens politiquement toxiques", les "nuisibles" ou les "incompétents notoires".
"Si on a la conviction qu'il y a un système, que tout est suspect, évidemment que vous allez trouver quelque chose", lance-t-elle au tribunal - qui n'a toujours pas posé une question. Avant de partager son "sentiment" de ce mois d'audience: "à maintes reprises, votre opinion était déjà faite, nos arguments évacués (...) ça m'a un peu déstabilisée".
Le tribunal, qui poursuivait son interrogatoire dans la soirée, devrait notamment la questionner sur deux réunions à l'été 2014, à Bruxelles puis à Strasbourg. Elle y aurait selon plusieurs témoignages annoncé aux nouveaux députés européens qu'ils n'auraient le droit qu'à un seul assistant parlementaire, et que le reste de leur enveloppe serait pour le Front national.
"Ce que Marine (Le Pen) nous demande équivaut à ce qu'on signe pour des emplois fictifs", écrivait peu après un eurodéputé réfractaire au trésorier du parti, Wallerand de Saint-Just.
"Je comprends les raisons de Marine, mais on va se faire allumer car on regardera, c'est sûr, nos utilisations à la loupe avec un groupe si important" (23 députés contre 3 auparavant), notait-il aussi.
"Je crois bien que Marine sait tout cela...", avait répondu Wallerand de Saint-Just. "Vous n'êtes pas obligés de me croire mais je suis persuadé que jamais Marine Le Pen n'aurait proposé quelque chose d'illégal aux députés qui viennent d'être d'élus", a assuré ce dernier à la barre.
Le procès est prévu jusqu'au 27 novembre.
publié le 5 novembre à 20h05, AFP