Budget de la Sécu : fumée blanche entre députés et sénateurs mais nuages noirs pour Barnier
Députés et sénateurs ont trouvé un compromis mercredi sur le budget 2025 de la Sécurité sociale, étape cruciale qui pourrait être balayée avec fracas en cas de censure la semaine prochaine, alors que le RN assume de garder un doigt sur la gâchette.
Cette version du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) sera soumise à un ultime vote des députés et sénateurs, mais c'est surtout la dernière haie à l'Assemblée qui pourrait donner des vertiges à l'exécutif et au-delà.
Quasiment condamné à utiliser son premier 49.3 à la chambre basse lundi et à affronter une motion de censure en réponse dans la semaine, Michel Barnier a mis en garde contre "la tempête" que déclencherait une chute du gouvernement, notamment sur les marchés financiers.
"La crise financière a déjà commencé", a vertement répliqué le député RN Jean-Philippe Tanguy, citant le "spread", écart entre les taux souverains français à 10 ans et ceux de l'Allemagne considéré comme une valeur refuge en Europe, qui est à son plus haut niveau depuis 2012.
"Les Français attendent des engagements clairs et fermes sur l'abandon des 3 milliards de hausses du prix de l'électricité, l'abandon du déremboursement de nouveaux médicaments et de la désindexation des retraites (...) le Premier ministre n'en prend pas le chemin", a réagi sur X Marine Le Pen.
S'il insiste sur le fait que la décision n'est pas prise, le RN pourrait faire tomber le gouvernement s'il votait une motion de censure déposée par la gauche. Et pourrait choisir de le faire sur ce budget de la Sécu, sans attendre la dernière ligne droite du budget de l'Etat autour du 18-20 décembre.
Marine Le Pen qui sera fixée le 31 mars sur une éventuelle peine d'inéligibilité dans le cadre du procès des assistants parlementaires RN, a affirmé devant la presse que cette affaire "n'entre aucunement en considération" pour une éventuelle censure.
A défaut de convaincre le RN, le gouvernement presse les socialistes qui auraient une "responsabilité inouïe" selon la porte-parole Maud Bregeon.
"Nous n'accepterons jamais le chantage qui pourrait nous être fait", a rétorqué le patron des sénateurs PS Patrick Kanner reçu à Matignon.
- "Budget de transition" -
En attendant, sept députés et sept sénateurs réunis en commission mixte paritaire ont décidé mercredi de la version du texte qui serait renvoyée devant les deux chambres, et très probablement soumise au 49.3 à l'Assemblée.
Les soutiens du gouvernement y bénéficiaient d'une courte majorité (8 parlementaires contre 6).
Ils ont notamment trouvé un compromis sur une baisse des exonérations patronales, revenant à demander un effort de 1,6 milliard aux entreprises, malgré l'opposition du groupe macroniste Ensemble pour la République, échaudé par ce qu'il voit comme un renoncement à sept ans de politique de l'offre.La gauche proposait de revenir à une version sénatoriale à 3 milliards d'efforts. "Seule la gauche a voté pour", a déploré l'Insoumis Hadrien Clouet.
"Le gouvernement a créé les conditions de sa propre censure" a plus largement estimé Jérôme Guedj (PS).
L'instance a validé un compromis sur les retraites, pour les indexer sur la moitié de l'inflation dès le 1er janvier (+0,8%), avec un complément au 1er juillet pour les retraites sous les 1.500 euros brut en vue d'atteindre les +1,6%.
Ils ont également supprimé une mesure ajoutée par le Sénat, prévoyant sept heures de travail sans rémunération pour les actifs, censées rapporter 2,5 milliards.
Les parlementaires ont toutefois approuvé une "taxe soda", tout comme une "taxe lapin", pénalité financière contre les patients n'honorant pas des rendez-vous médicaux.
Enfin, si la mesure n'est pas contenue dans le texte lui-même, l'intention du gouvernement de baisser les remboursements par la Sécu des consultations et des médicaments de 5%, qui devrait se traduire par une hausse des prix des mutuelles, continue de susciter de vives critiques à gauche et au RN.
Le gouvernement prévoyait dans sa copie initiale un déficit du budget de la Sécurité sociale de 16 milliards d'euros, qui sort alourdi de ce compromis parlementaire, d'un montant qui restait difficile à calculer mercredi soir. Le président Horizons de la commission des Affaires sociales à l'Assemblée a évoqué un déficit "autour de 17 milliards d'euros".
Parmi les mesures de compensation, les rapporteurs ont prévu en fin de CMP une baisse de 600 millions des dépenses de l'assurance-maladie en 2025.
"C'est un budget de transition", qui n'est "ni ambitieux ni glorieux", avait commenté mercredi matin M. Valletoux. La députée EPR Stéphanie Rist a elle évoqué un budget qui "semble équilibré et de responsabilité".
publié le 27 novembre à 22h15, AFP