Au procès du RN, Marine Le Pen, "la répétition", et le ras-le-bol du tribunal
© STEPHANE DE SAKUTIN, AFP - La députée Rassemblement national (RN) Marine Le Pen (c) arrive avec le premier vice-président du parti et maire de Perpignan Louis Aliot (2e à g.e) à son procès pour détournement de fonds publics européens, au tribunal de Paris, le 5 novembre 2024
Elle l'avait plusieurs fois laissée dérouler sans interruption de longs monologues. Puis, semble-t-il, en a eu assez. Au procès du RN mercredi, la présidente du tribunal a sèchement et longuement recadré Marine Le Pen, laissant l'espace d'un instant la cheffe de file de l'extrême droite sans voix.
Marine Le Pen est à la barre depuis plusieurs heures, pour la fin de son interrogatoire entamé la veille. Comme souvent, et comme le tribunal lui a déjà reproché, elle s'éloigne vite de la question posée.
Cette fois, afin de dénoncer à nouveau les méthodes "pas très loyales" de l'enquête qui lui vaut aujourd'hui ce procès pour soupçons d'emplois fictifs d'assistants parlementaires de députés européens.
"Je risque 10 ans de prison, un million d'euros d'amende !", s'emporte la triple candidate à la présidentielle - sans mention de la peine d'inéligibilité également encourue. "Je suis une dirigeante politique, j'ai donné ma vie à la politique..."
La présidente Bénédicte de Perthuis l'interrompt dans sa lancée.
La veille, elle avait laissé Marine Le Pen faire une interminable première "déclaration", mais là, visiblement, ça en est trop. "On ne peut pas vous laisser reprendre la parole pendant une heure."
Marine Le Pen proteste, mais la présidente en a visiblement gros sur le coeur et c'est à son tour de dérouler, pendant de longues minutes.
"Ici on n'est pas en politique, on est devant un tribunal correctionnel. J'ai l'impression qu'on est dans un monde parallèle, où vous répétez des choses, qui ne sont pas des réponses aux questions qu'on vous pose. On ne peut pas passer toute l'audience à dire des choses que vous avez déjà dites."
Marine Le Pen tente encore de protester, la présidente l'interrompt fermement. Elle lui explique que normalement dans un procès, "on avance", d'une manière ou d'une autre, vers une "vérité", un "socle commun", même si bien sûr il peut y avoir des désaccords.
"Là, je ne sais pas quel est votre sentiment, mais il ne s'est absolument pas passé ça pendant cette audience."
- "C'est la vie" -
La magistrate ne laisse toujours pas à la prévenue le temps de répondre. "Si on n'a pas avancé ensemble, tant pis. C'est la vie. Mais on ne peut pas vous laisser reprendre la parole pour redire des choses".
Plus tôt, le procureur lui avait déjà reproché : "La répétition ne vaut pas vérité". "La politique, c'est l'art de la répétition", avait rétorqué Marine Le Pen.
La présidente n'avait visiblement pas apprécié. "Nous, ce n'est pas la répétition qui nous convainc", lance la magistrate - ayant effectivement souvent semblé peu convaincue par la défense de Marine Le Pen et de ses 25 coprévenus durant ce mois d'audience.
A la barre, Marine Le Pen, qui avait jusque là souvent gardé la maîtrise du tempo de ses interrogatoires, répétant ses éléments de défense et explications - "avec humilité" - du "fonctionnement d'un parti politique"... semble cette fois un peu déstabilisée.
Son ton se fait presque suppliant. "J'ai répondu à toutes les questions, je suis venue quasiment tous les jours", dit celle qui ne comprend pas "ce que vous attendez de moi".
La présidente en a fini. Elle donne la parole aux avocats de la défense pour leurs questions. Marine Le Pen répond sans entrain, tête baissée.
Interrogatoire terminé. Veut-elle ajouter quelque chose ?
"Vous m'avez donné l'impression que j'avais trop parlé donc je ne parle plus", bougonne Marine Le Pen.
"Quelque chose que vous n'avez pas déjà dit ?", précise la présidente, la voix radoucie.
"Non Madame la présidente. Je crois avoir eu l'occasion de m'exprimer assez longuement, et d'avoir dit ce que je souhaitais."
Le procès est prévu jusqu'au 27 novembre. Les plaidoiries des avocats du Parlement européen, partie civile au procès auront lieu mardi, avant les réquisitions du parquet mercredi.
publié le 6 novembre à 20h23, AFP