Visé par un mandat d'arrêt de la CPI, Netanyahu promet de "continuer à défendre" Israël
Après plus d'un an de conflit à Gaza, la Cour pénale internationale a provoqué la fureur d'Israël en émettant jeudi des mandats d'arrêt sans précédent contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
Un autre mandat de la CPI pour les mêmes motifs vise Mohammed Deif, chef de la branche armée du Hamas dont l'attaque sanglante le 7 octobre 2023 sur le sol israélien a été suivie d'une offensive militaire dans la bande de Gaza, ravagée par des bombardements massifs depuis.
"Aucune décision anti-israélienne scandaleuse ne nous empêchera - et particulièrement pas moi - de continuer à défendre notre pays de quelque manière que ce soit", a assuré Benjamin Netanyahu dans un message à ses concitoyens jeudi soir.
Le dirigeant avait auparavant dénoncé une décision "antisémite" et s'était estimé victime d'un nouveau "procès Dreyfus" du nom du capitaine français de confession juive condamné pour espionnage à la fin du XIXe siècle avant d'être innocenté et réhabilité.
Egalement qualifiée de "scandaleuse" par Joe Biden, cette décision limite les déplacements des deux responsables israéliens. N'importe lequel des 124 Etats membres de la cour serait théoriquement obligé de les arrêter s'ils entraient sur leur territoire, même si des dizaines de pays dont la Russie, les Etats-Unis, ou encore la Chine ne reconnaissent pas la compétence de la CPI.
Le mouvement islamiste palestinien a lui salué la mise en cause des dirigeants israéliens comme une "étape importante vers la justice", sans mentionner le mandat d'arrêt annoncé simultanément contre son dirigeant militaire.
- Privations -
Les mandats d'arrêt émis par la CPI sont "sans précédent, justifiés et tardifs", a estimé Reed Brody, avocat spécialisé dans les crimes de guerre.
La CPI a déclaré avoir trouvé des "motifs raisonnables" de croire que MM. Netanyahu et Gallant étaient "pénalement responsables" du crime de guerre de famine comme méthode de guerre, ainsi que des crimes contre l'humanité de meurtre, de persécution et d'autres actes inhumains.
Les deux hommes, selon la CPI, "ont intentionnellement et sciemment privé la population civile de Gaza de choses indispensables à sa survie", notamment de nourriture, d'eau, de médicaments, de carburant et d'électricité.
Cette situation a "créé des conditions de vie calculées pour entraîner la destruction d'une partie de la population civile de Gaza", a expliqué la CPI, qui a cependant estimé que "les éléments du crime contre l'humanité d'extermination" n'étaient pas réunis.
Un autre mandat a été émis contre Mohammed Deif même si selon Israël, il a été tué par une frappe le 13 juillet dans le sud de Gaza. Le Hamas nie sa mort.
"Cela signifie que la voix des victimes est entendue", s'est félicité Yael Vias Gvirsman, qui représente les familles de 300 victimes israéliennes de l'attaque du Hamas du 7 octobre.
"Quoi que puisse sous-entendre la CPI, il n'y a pas d'équivalence, aucune, entre Israël et le Hamas", a commenté le président américain Joe Biden.
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a affirmé que les mandats d'arrêt devaient être "respectés et appliqués", même si certains pays membres de l'Union européenne les ont critiqués, la Hongrie dénonçant "une honte pour le système juridique international".
- "Pas de justice" -
L'offensive militaire israélienne contre le Hamas dans la bande de Gaza a fait au moins 44.056 morts chez les Palestiniens, selon les chiffres du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas, qui ne font pas de distinction entre civils et combattants.
Elle a suivi l'attaque sans précédent de commandos du Hamas en territoire israélien le 7 octobre, qui a entraîné la mort de 1.205 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur les chiffres officiels israéliens.
En Israël, l'annonce de la CPI a provoqué la consternation parmi les habitants et un certain scepticisme teinté de fatalisme parmi la population à Gaza.
"Peu importe le nombre de mandats d'arrêt qu'ils émettent, il n'y a pas de justice là-dedans", a lancé Moshe Cohen, un habitant de Beersheva, dans le sud du pays.
Dans le centre de Gaza, Hasan Hasan, un déplacé palestinien, se dit convaincu que "la décision ne sera pas appliquée car aucune décision en faveur de la cause palestinienne n'a jamais été appliquée".
Jeudi encore dans le territoire palestinien, la Défense civile a annoncé la mort de 22 personnes tuées dans la nuit par une frappe israélienne à Gaza-ville (nord).
Un autre raid nocturne dans la zone de Beit Lahia et Jabalia (nord) a fait des dizaines de morts et de disparus, selon des sources médicales.
Israël a aussi lancé le 23 septembre des frappes massives au Liban contre le Hezbollah pro-iranien, qui avait ouvert un "front de soutien" au Hamas après le 7-Octobre, en tirant des roquettes sur le territoire israélien.
Des raids israéliens sur la vallée de la Békaa, un fief du Hezbollah dans l'est du pays, ont tué 40 personnes, a annoncé jeudi le ministère libanais de la Santé, au moment où l'émissaire spécial du président américain, Amos Hochstein est en Israël, après Beyrouth, pour tenter d'obtenir une trêve entre les belligérants.
Et dans la soirée le ministère annonçait que 12 personnes avaient été tuées et 50 autres blessées dans des frappes sur le sud du pays.
publié le 22 novembre à 04h07, AFP