En Irlande, les candidats anti-immigration espèrent progresser aux élections
© Paul Faith, AFP - Des manifestants anti-immigration à Dublin, le 19 septembre 2024
L'Irlande est l'un des rares pays européens à ne pas avoir de parti d'extrême droite établi. Mais pour la première fois, l'immigration s'impose comme une question majeure dans la campagne électorale.
A l'extérieur de son cabinet d'avocat qui fait office de QG de campagne, Malachy Steenson a affiché une pancarte: "Reprendre le contrôle de notre nation".
Cet homme de 61 ans est l'un des candidats anti-immigration qui espèrent faire leur entrée au Parlement irlandais à l'issue du scrutin du 29 novembre.
"Nous devons fermer les frontières et empêcher les migrants de venir", clame celui qui a été élu au conseil municipal de Dublin en juin. Il se présente sous l'étiquette d'indépendant dans un quartier cosmopolite du centre de la capitale.
Comme lui, ils sont une série d'ultra-nationalistes à essayer de s'implanter dans le paysage politique.
Les autres thèmes centraux de la campagne sont le coût de la vie et la pénurie de logements.
Pour Malachy Steenson, les migrants et les demandeurs d'asile ne font qu'exacerber cette crise du logement. "Si vous importez des gens qui attendent des aides sociales dans des logements qui devraient être disponibles pour les ressortissants irlandais, vous ne faites que créer un problème supplémentaire", assure-t-il.
L'économie irlandaise attire des migrants depuis les années 1990, époque à laquelle elle s'est vu attribuer le surnom de "Tigre celtique" grâce à une croissance fulgurante.
L'immigration a ensuite été freinée par la crise financière de 2008 puis la pandémie liée au Covid-19, avant de recommencer à croître. Selon des statistiques officielles, environ 20% de la population irlandaise est née à l'étranger.
- Vote fragmenté -
La croissance démographique rapide de l'Irlande, alimentée par l'immigration, a accentué les tensions sur le marché de l'immobilier, qui était déjà en crise du fait de son offre très limitée.
Et attisé des sentiments anti-migrants. Des incendies criminels visant des centres d'accueil pour les demandeurs d'asile ont eu lieu à plusieurs reprises. Le pays a connu des émeutes sans précédent en novembre 2023, après une attaque au couteau contre des enfants menée par un Irlandais d'origine étrangère.
A la suite de l'invasion russe de l'Ukraine, l'Irlande a accueilli environ 110.000 Ukrainiens, soit l'un des chiffres les plus élevés par habitant dans l'Union européenne. Mais le gouvernement a cette année annoncé une réduction des allocations et aides au logement accordées à ces réfugiés.
Depuis 2022, les demandes d'asile atteignent des niveaux record. La situation avait conduit le gouvernement en 2023 à annoncer qu'il ne pouvait plus fournir d'hébergement d'urgence à tous les demandeurs d'asile, donnant la priorité aux familles, femmes et enfants. Des centaines d'hommes s'étaient retrouvés dans la rue, dormant sous des tentes.
Mais le vote ultra-nationaliste est fragmenté, représenté par des micro-partis et des indépendants. Et peu d'entre eux devraient faire une percée électorale, voire aucun, selon le politologue Eoin O'Malley.
Les votes anti-immigration ne vont pas forcément se porter sur les candidats d'extrême droite, estime-t-il: la plupart des principaux partis défendent une approche plus dure sur le sujet.
Pour les étudiants de Dublin City University rencontrés par l'AFP toutefois, l'immigration n'est pas un sujet.
Le pays "n'est pas plein à craquer, dire cela relève d'un état d'esprit étriqué", souligne Carla Keogh, 19 ans, qui suit des études pour être enseignante. "Historiquement, les Irlandais ont quitté leur pays pour trouver de l'aide et du soutien dans d'autres endroits", rappelle-t-elle.
publié le 22 novembre à 09h38, AFP