Un émissaire de l'ONU à Damas une semaine après la chute d'Assad
L'émissaire de l'ONU pour la Syrie, Geir Pedersen, a appelé dimanche à une aide humanitaire accrue et à éviter les actes de "vengeance", après son arrivée à Damas, une semaine après la chute du président Bachar al-Assad.
La France a de son côté annoncé l'envoi d'une mission diplomatique mardi à Damas, la première depuis 12 ans, pour notamment "établir de premiers contacts" avec les nouvelles autorités.
"Nous devons veiller à ce que la Syrie reçoive une aide humanitaire immédiate accrue pour la population et pour tous les réfugiés qui souhaitent rentrer", a déclaré M. Pedersen, dont la visite est la première d'un haut responsable de l'ONU depuis la fuite de M. Assad en Russie. Il a aussi appelé à éviter les actes de "vengeance".
On ignorait dans l'immédiat si le responsable de l'ONU rencontrerait Abou Mohammad al-Jolani, le chef du groupe radical islamiste Hayat Tahrir al-Sham (HTS) à la tête de coalition de groupes rebelles qui a chassé M. Assad du pouvoir.
Le 8 décembre, la coalition rebelle entre à Damas et annonce le renversement du pouvoir, après une offensive surprise et fulgurante qui lui a permis de s'emparer d'une grande partie du pays en 11 jours. Lâché par ses alliés iranien et russe, M. Assad fuit à Moscou et son armée est défaite.
HTS, ex-branche syrienne d'Al-Qaïda, affirme avoir rompu avec le jihadisme mais reste classé "terroriste" par plusieurs capitales occidentales, dont Washington.
- Contact avec HTS -
Mais après 50 ans de règne sans partage de la famille Assad et d'une répression implacable, les nouvelles autorités s'emploient à rassurer la communauté internationale.Le nouveau Premier ministre syrien chargé de la transition, Mohammad al-Bachir, a promis un Etat de droit et de "garantir les droits de tous".
Plusieurs pays et organisations ont salué la chute de M. Assad, mais disent attendre de voir comment les nouvelles autorités, musulmanes sunnites, vont traiter les minorités du pays multiethnique et multiconfessionnel.
Entretemps certains ont annoncé avoir établi un contact avec elles.
Samedi, le secrétaire d'Etat Antony Blinken a expliqué que ce contact direct avec HTS et "d'autres parties" visait notamment à localiser Austin Tice, un journaliste américain enlevé en 2012 en Syrie.
- Messe célébrée à Damas -
Après l'euphorie, les Syriens tentent de reprendre leur vie normale.
Dimanche, une partie des élèves ont repris le chemin de l'école à Damas. En y arrivant, des filles font le signe de la victoire, d'autres brandissent le drapeau à trois étoiles de l'ère de l'indépendance.
A l'Université de Damas, qui a aussi rouvert ses portes, des centaines d'étudiants en liesse ont piétiné une statue de Hafez al-Assad.
"On se sent libérés! On peut enfin dire ce qu'on pense sans avoir peur", affirme Yasmine Chehab, une étudiante en littérature anglaise.
Commerces et entreprises ont aussi rouvert. Une dizaine de personnes font la queue devant une boulangerie. Sur les trottoirs, des vendeurs ambulants proposent des bidons d'essence aux habitants de la capitale où les coupures de courant sont fréquentes.Et la messe du dimanche a été célébrée à la cathédrale Notre-Dame de la Dormition à Damas, en présence de nombreux fidèles.
- "Je cherche mon fils" -
Mais chaque jour qui passe depuis la chute de M. Assad donne aussi lieu à des découvertes macabres, témoignage des pires exactions du pouvoir déchu.
A mesure de leur progression et de la prise de villes, les rebelles ont ouvert les prisons et libéré les détenus, parfois des sous-sols ou de derrière des murs.
Des milliers de personnes recherchent depuis des informations sur leurs proches disparus.
A la morgue de l'hôpital al-Moujtahed de Damas, des habitants ont afflué après que des combattants de HTS ont ramené 35 corps, dont 21 ont déjà été identifiés par leur famille, selon Assad Sakr, qui tient un grand registre.
"Que Dieu vienne en aide à toutes ces personnes", dit-il à l'AFP.
Photos de jeunes hommes disparus à la main, des familles se pressent autour des 14 corps restants.
"Je cherche mon fils", dit Fatima Marakbawi, la quarantaine. "Ils l’ont pris il y a 11 ou 12 ans. Il y a 9 ans, il était à Saydnaya, maintenant il n’y est plus et mon coeur est brisé."
Mehmet Ertürk, un Turc de 53 ans qui a passé 21 ans dans les centres de détention en Syrie, est rentré au pays après sa sortie de prison. "Nos os sortaient de la chair lorsqu'ils nous frappaient les poignets à coups de marteau", raconte-t-il à l'AFP.
- Engagements du nouveau pouvoir -
Voisine de la Syrie, la Turquie a dit être "prête" à fournir de l'aide militaire si le nouveau gouvernement syrien le lui demande, selon les propos du ministre turc de la Défense, Yasar Güler.
Il en outre affirmé que les nouvelles autorités s'étaient engagées à "respecter tous les institutions gouvernementales, l'ONU et les autres organisations internationales", et promis de signaler toute trace d'arme chimique à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques.
Meurtri par près de 14 ans de guerre dévastatrice déclenchée par la répression de manifestations prodémocratie, le pays est confronté à une économie en lambeaux et à des sanctions internationales.
Sans oublier les ingérences étrangères et un bilan humain très lourd: un demi-million de morts et six millions de Syriens en fuite.
publié le 15 décembre à 14h57, AFP