L’abbé Pierre accusé d'abus sexuels : la direction d'Emmaüs aurait été au courant dès la fin des années 1950
© Gorassini Giancarlo/ABACA
Comme le révèle Libération, mercredi 16 octobre, des personnalités importantes du mouvement Emmaüs auraient fermé les yeux, dès 1957, sur les agissements du religieux.
Les révélations à l'encontre de l'abbé Pierre, accusé de violences sexuelles par de nombreuses femmes, se multiplient ces dernières semaines. Selon les informations de Libération, qui a consulté des documents exclusifs d'Emmaüs, la direction du mouvement associatif était au courant des agissements de son fondateur dès l'année 1957. Une crise interne majeure a même éclaté et débouché sur l'internement de l'abbé Pierre dans une clinique psychiatrique en Suisse.
"Nous sommes tous (quand je dis tous, j’entends tous les responsables et membres de l’association Emmaüs jusqu’aux amis de province engagés ou les conseillers religieux que nous avons pu consulter) pour considérer comme impossible le retour à une situation semblable à celle que nous avons vécue depuis plusieurs mois", a écrit Yves Goussault, l'un des plus proches compagnons de l'abbé Pierre, dans une lettre adressée au religieux et datée du 27 décembre 1957. Dans ce texte, le membre éminent de la direction d’Emmaüs fait plusieurs allusions au scandale provoqué par la conduite de l’abbé Pierre et évoque "le risque que nous avons couru". Jugeant qu'il lui est "impossible de rester complice d’une telle situation", Yves Goussault affirme craindre par-dessus tout d’être "responsable des accidents à venir et peut-être des scandales".
La secrétaire de l'abbé Pierre écartée par la direction d'Emmaüs
Yves Goussault se charge lui-même de révéler les agissements de l'abbé Pierre à sa fidèle secrétaire Lucie Coutaz. "Au plan du conseil d’Emmaüs […] seule Mlle Coutaz restait à l’écart, mais cela provenait du fait qu’elle ignorait totalement les événements : j’ai pu parler longuement avec elle à plusieurs reprises", écrit-il dans un document consulté par nos confrères. Lucie Coutaz sera finalement écartée de la direction car "elle se refusait à reconnaître les faits devant lesquels nous étions brutalement confrontés".
Au Conseil d’Emmaüs, plusieurs personnalités auraient été, comme Yves Goussault, conscientes des violences sexuelles commises par le fondateur du mouvement. Un protocole lui interdisant de "revenir dans son cadre habituel à Paris sans l’avis formel de son médecin traitant" aurait été signé par plusieurs mains, dont celle de Georges Lilaz, le directeur du BHV qui fut l’un des premiers mécènes d'Emmaüs. Face à ces lourdes révélations contre Emmaüs, une ancienne responsable de l'association a confirmé, dans un courrier interne daté du 6 août 2024, et consulté par Libération, que "pour (sa) part, (elle savait) depuis le début des années 2010 que les premiers faits remontaient à 1957, voire avant".
publié le 16 octobre à 21h55, Quentin Marchal, 6Medias