Abbé Pierre : les archives de l’Église révèlent un "comportement grave à l’égard des femmes"
© Cortay Philippe/ABACA. - L'abbé Pierre en 1999. Les archives de l'Eglise confirment les révélations d'agressions sexuelles de la part du religieux.
La Conférence des évêques de France (CEF) a ouvert l’accès à ses archives sur l'abbé Pierre, accusé d'agressions sexuelles. Et le portrait qu’elles dressent, celui d’un "grand malade mental" au "comportement grave à l’égard des femmes", est glaçant, rapporte Le Figaro.
Si les révélations d’agressions sexuelles de la part de l’Abbé Pierre ont choqué la société française dans son ensemble, au sein de l’Église, le "comportement grave à l’égard des femmes" du religieux était un secret de polichinelle. C’est ce qu’ont révélé les archives de l’Église à son sujet, rapporte Le Figaro, lundi 14 octobre. La Conférence des évêques de France (CEF) a choisi, mi-septembre, d’ouvrir ces dernières au grand public sans attendre le délai habituel de 75 ans après sa mort, en 2007.
En juillet dernier, une enquête commandée par Emmaüs et la Fondation Abbé Pierre révélait plusieurs cas d’agressions sexuelles de la part de l’homme d’Église, connu notamment pour son action en faveur des sans-logis durant l’hiver 1954. Deux mois plus tard, de nouveaux témoignages se sont ajoutés au dossier. En tout, elles sont plus d’une vingtaine à avoir choisi de dénoncer les agissements de l’abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouès.
Un "grand malade mental" ayant perdu "tout contrôle de soi"
Face à l’émotion provoquée par ces révélations, la CEF a ouvert ses archives sur le sujet. Le bilan : un dossier de 216 pièces, composé majoritairement de lettres, qui va dans le sens des accusations portées depuis trois mois, révèle donc Le Figaro. Et surtout, qui montre qu’au sein de l’Église, beaucoup étaient au courant. Déjà, le 16 septembre dernier, le président de la CEF Éric de Moulins-Beaufort avouait que "quelques évêques au moins" étaient au courant de son "comportement grave à l’égard des femmes". Et ce, "dès 1955-1957".
Les courriers dénonçant les "faits répréhensibles" et l’"état anormal" d’Henri Grouès sont nombreux. Aucun ne parle explicitement d’agressions sexuelles, mais tous dressent le portrait d’un "comportement problématique". En novembre 1964, une lettre qui pourrait être attribuée au secrétaire général de l’épiscopat d’alors qualifie l’abbé Pierre de "grand malade mental" ayant perdu "tout contrôle de soi". Et conclut sur cette note glaçante : "Des jeunes filles en ont été marquées pour la vie."
La crainte du scandale médiatique
Au sein de l’Église, c’est l’omerta qui règne. Et, dans l’ombre, la crainte du scandale médiatique. Dans une lettre au cardinal Pierre Gerlier, archevêque de Lyon, datant de janvier 1958, le directeur du secrétariat de l’épiscopat de l’époque, Jean-Marie Villot évoque le fait que "tout cela pourra un jour ou l’autre être connu". Car entre son passé de résistant et son engagement pour les sans-abris, l’abbé Pierre est devenu une figure centrale.
Même au sein d’Emmaüs, l’affaire n’a de secret que le nom. En juin 1959, Pierre Join-Lambert, alors administrateur de l’association, relate une assemblée générale rythmée par les "incidents très pénibles avec pleurs" et durant laquelle "certains ont protesté contre sa présence", rapporte Le Figaro.
Interné dans une clinique psychiatrique près de Genève fin 1957, il en ressortira moins d’un an plus tard et sera désormais surveillé jusqu’à sa mort. Il y a quelques semaines, le pape François lui-même avouait que le Vatican était au fait, au moins depuis sa mort, des accusations à son encontre.
publié le 14 octobre à 15h50, Caroline Chambon, 6Medias