Inéligibilité de Marine Le Pen: le RN attaque la justice, Darmanin aussi
Au lendemain des réquisitions demandant l'inéligibilité de Marine Le Pen, le Rassemblement national continue d'attaquer frontalement la justice, des critiques reprises par l'ancien ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin accusé d'alimenter le discours "anti-système" de l'extrême droite.
"Soutenez Marine! Défendez la démocratie": le parti à la flamme n'a pas hésité à lancer jeudi sur le réseau social X une pétition dénonçant "une ingérence manifeste dans l'organisation de la vie parlementaire au mépris de la séparation des pouvoirs", "une tentative d'éliminer la voix de la véritable opposition" et de "contourner le processus démocratique".
Sans préciser que d'après la loi, le délit de détournement de fonds publics est automatiquement assorti pour un élu d'une peine d'inéligibilité.
Le RN "a un genou à terre", a assuré Jordan Bardella sur CNews, en dénonçant un exercice "non de justice mais de vengeance" contre Mme Le Pen.
Au procès des assistants parlementaires, le parquet, jugeant Marine Le Pen au "centre" d'un "système organisé" visant à faire du Parlement européen la "vache à lait" du RN, a prononcé mercredi de sévères réquisitions à son encontre: cinq ans de prison dont trois avec sursis, 300.000 euros d'amende... et cinq ans d'inéligibilité avec exécution provisoire - c'est-à-dire avec application immédiate même en cas d'appel - ce qui pourrait l'éjecter de la course à la présidentielle si les juges suivent les procureurs.
Renouant avec des accents trumpistes, le député Jean-Philippe Tanguy (RN) a dénoncé "des réquisitions quasi-fanatiques".
"C'est une intrusion inacceptable dans le travail politique", a abondé la nièce de Marine Le Pen, Marion Maréchal, qui a lancé son propre mouvement Identité-Libertés.
Hors extrême droite, la plupart des responsables de la droite et du centre sont restés discrets dans leurs réactions et n'allaient guère dans le sens du RN, à l'exception notable de l'ancien ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qui juge "profondément choquant que Marine Le Pen soit jugée inéligible et, ainsi, ne puisse pas se présenter devant le suffrage des Français".
"Si le tribunal juge qu'elle doit être condamnée, elle ne peut l'être électoralement, sans l'expression du peuple", a-t-il déclaré, en appelant à ne pas "creuser" plus "la différence entre les +élites+ et l'immense majorité de nos concitoyens".
Cette prise de position passe mal dans le camp gouvernemental.
Le ministre de la Justice Didier Migaud, tout en refusant de commenter une affaire individuelle, a rappelé que "les magistrats sont indépendants" et "jugent à partir de la loi votée par le législateur".
- "Totem d'immunité" -
Gérald Darmanin "n'aurait pas dû dire ça", a estimé plus directement le président (LR) des Hauts-de-France Xavier Bertrand.
"Ou alors il va au bout de sa pensée et il dépose une proposition de loi pour supprimer l'inéligibilité", a-t-il avancé.
Même argumentaire chez la ministre chargée des Relations avec le Parlement, Nathalie Delattre, "profondément choquée" par les propos de l'ancien ministre de l'Intérieur.
A gauche, cette "entorse au principe de séparation des pouvoirs", a été critiquée par le patron du PS Olivier Faure comme un "gros clin d'œil gênant de celui qui feint de plaindre celle dont il rêve de récupérer l'électorat".
Le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, s'est, en revanche, prononcé contre l'exécution provisoire, estimant sur X qu'"une peine d'inéligibilité ne doit pas être appliquée avant expiration de tous les recours prévus par la loi".
"Tous les pires adversaires de Marine Le Pen, de Gérald Darmanin à Jean-Luc Mélenchon, disent la même chose" sur le fait de "prononcer une impossibilité de concourir à un scrutin de manière provisoire", en a tiré comme conclusion Jordan Bardella.
Quelques élus Horizons, comme le maire de Nice Christian Estrosi, ont, pour leur part, appelé le Parlement "à se saisir de l'automaticité des peines d'inéligibilité", "un principe dangereux" selon eux, qui s'applique en cas de condamnation pour détournement de fonds publics.
Un argumentaire balayé par la patronne des Ecologistes Marne Tondelier, élue d'opposition dans le fief électoral de Marine Le Pen, Hénin-Beaumont.
"Elle ne peut pas considérer qu'elle aurait un totem d'immunité de Koh-Lanta parce qu'elle est candidate à la présidentielle", a-t-elle déclaré.
publié le 14 novembre à 19h17, AFP