France

Accident de Millas: peine alourdie requise en appel contre une conductrice "indisciplinée"

La carcasse d'un car scolaire heurté par un train, le 15 décembre 2017 à Millas, dans les Pyrénées-Orientales, au lendemain de l'accident

© RAYMOND ROIG, AFP - La carcasse d'un car scolaire heurté par un train, le 15 décembre 2017 à Millas, dans les Pyrénées-Orientales, au lendemain de l'accident

Deux ans de prison ferme, contre un an en première instance: le parquet a requis jeudi une peine alourdie contre la conductrice du car scolaire heurté par un train à Millas (Pyrénées-Orientales) en 2017, dénonçant son "indiscipline" ayant conduit à la mort de six collégiens.

L'avocat général Franck Lagier a aussi demandé à la Cour d'appel d'Aix-en-Provence d'assortir la condamnation de Nadine Oliveira à 5 ans de prison, dont deux ans ferme, d'une annulation de tous ses permis de conduire et d'une interdiction de les repasser pendant cinq ans, ainsi que d'une interdiction d'exercer toute activité dans le secteur des transports.

Nadine Oliveira "a imposé un procès d'appel aux parties civiles qu'elle ne s'est elle-même pas imposé", a dénoncé l'avocat général, reprenant les mots d'un avocat des parties civiles. Victime d'un malaise à l'audience au troisième jour du procès en appel, Nadine Oliveira, qui a maintenu contre témoignages et expertises que les barrières du passage à niveau où s'est produit l'accident étaient levées, n'a en effet plus été en mesure d'assister à son procès depuis le 10 octobre.

Après avoir décortiqué le parcours professionnel de la conductrice, mais aussi la journée du 14 décembre 2017 avant l'accident, qui a fait six morts et 17 blessés, dont plusieurs avec de très lourdes séquelles, Franck Lagier a conclu: "J'ai la conviction que madame Oliveira, une conductrice indisciplinée et inexpérimentée, a franchi ce passage à niveau sans aucune attention à ces barrières".

Il a mis en avant l'inexpérience de la conductrice, qui avait "fini par obtenir son permis après trois tentatives", et avec la "note minimale" pour le décrocher.

Il a aussi fustigé son "indiscipline": Nadine Oliveira, déjà verbalisée pour avoir conduit avec une oreillette téléphonique, a aussi ce jour-là franchi un stop sans marquer l'arrêt en quittant le collège de Millas avec 23 enfants à bord, puis adopté "une conduite rapide" sur un chemin étroit, "la poussant à franchir à plusieurs reprises la ligne blanche".

Et puis, a rappelé l'avocat général, la conductrice avait placé tout près d'elle, écran bien visible, son téléphone portable, dans un contexte particulier: ce jour-là, à partir de 07H00, Nadine Oliveira a échangé 95 SMS avec un collègue, dont certains "explicites sur la volonté des auteurs d'avoir une relation intime" à la fin de leur journée de travail. "On ne peut s'empêcher de penser que son esprit était occupé à tout autre chose", au moment de l'accident.

- "Dissociation post-traumatique" -

Pour le magistrat, Mme Oliveira, au casier judiciaire vierge, "s'est murée dans une dissociation post-traumatique dont elle n'a jamais voulu ressortir", ce qui l'empêche selon les psychiatres intervenus à la barre "de ressentir aucun sentiment de culpabilité, se focalisant sur ses angoisses".

"Elle s'identifie parmi les victimes", a-t-il conclu, et "il appartient à la justice de faire sortir madame Oliveira de ce déni".

Dès sa première audition lors du procès en appel, la conductrice avait réitéré sa ligne de défense: "j'ai fait appel parce que les barrières étaient levées".

En première instance, elle avait été condamnée à un an de prison ferme - sous bracelet électronique - et quatre ans avec sursis, également en son absence puisqu'elle avait déjà été victime d'un grave malaise cardiaque au tout début du procès.

Sa version avait un temps été corroborée par quelques enfants, qui sont ensuite revenus sur leurs premières déclarations.

"Mon cerveau d'enfant a voulu arranger la vérité pour que ce soit plus facile à accepter", avait ainsi témoigné Carla, qui était dans un autre bus à l'arrêt près du passage à niveau au moment de l'accident. "On se dit que c'est pas cette femme qui a tué ces enfants", avait analysé la jeune femme, 18 ans aujourd'hui.

Des automobilistes présents de l'autre côté de la voie ferrée ont eux assuré avoir vu "le bus pousser tranquillement la barrière" et s'engager sur le passage au niveau où il sera, quelques secondes plus tard, violemment percuté par un TER.

Les avocats de la défense doivent plaider jeudi après-midi.

publié le 24 octobre à 13h07, AFP

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