Avec sa start-up dopée à l'IA, Eléonore Crespo veut révolutionner la planification en entreprise
© ALAIN JOCARD, AFP - Eléonore Crespo, à la tête de la start-up française Pigment, le 28 août 2023 à Paris
A 35 ans, Eléonore Crespo est l'une des rares femmes à la tête d'une start-up française valorisée à plus d'un milliard de dollars, Pigment, dont le logiciel de planification pour entreprise, dopé à l'intelligence artificielle, ambitionne de remplacer Excel.
"Pigment, c'est ce qu'est le GPS à la boussole", résume, tout sourire, l'ingénieure formée à l’École des mines de Paris.
Lorsqu'une entreprise cherche à augmenter ses revenus, l'outil d'analyse de données de Pigment doit "l'aider à prendre l'autoroute" voire à modifier carrément sa trajectoire en cas d'accident, comme une inflation plus forte que prévu risquant d'affecter son activité, poursuit-elle, poussant la métaphore.
Eléonore Crespo est partie du constat que les grandes entreprises pilotaient leurs revenus et leur marge sur des tableurs Excel qui n'étaient pas "faits pour avoir beaucoup de données en même temps, au même endroit".
Pour faire la différence face à des géants comme Microsoft, SAP ou Salesforce, sa start-up mise donc sur l'intelligence artificielle (IA) générative qui permet de centraliser et connecter les données d'une entreprise pour apporter des réponses instantanées.
Grâce à cette technologie, "on est capable de construire des modèles à la vitesse de la lumière", qu'ils soient financiers, commerciaux ou destinés à des équipes ressources humaines, ajoute la trentenaire.
Cette "démocratisation de la donnée" doit permettre aux entreprises "d'accélérer la prise de décision", selon elle.
- Prisme international -
Une vision qui semble séduire. Pigment, qui compte près 400 employés, a réussi à lever 134 millions d'euros en avril, l'un des plus gros tours de table de la French Tech en 2024.
Les fonds serviront à gagner des parts de marché, investir de nouveaux pays et accélérer dans l'IA avec un doublement de l'équipe d'ingénieurs, explique l'entrepreneuse.
Les États-Unis constituent déjà le premier marché de la start-up, dont les bureaux se répartissent entre Paris, New York, Toronto, Londres et prochainement San Francisco, et qui possède 500 clients à travers le monde.
Un prisme international qui s'explique par le parcours d'Eléonore Crespo, passée par le géant des services pétroliers Schlumberger au Texas, JCDecaux à New York, Google ou encore le fonds d'investissement anglo-saxon Index Ventures.
L'accent mis sur l'intelligence artificielle, au-delà d'être dans l'air du temps, est aussi lié à l'expérience de la jeune femme, diplômée d'un master en physique quantique de l'ENS Paris-Saclay.
"Pour bien comprendre le fond de l'IA, il faut quand même avoir des connaissances en physique assez poussées", note-t-elle, dans les locaux baignés de lumière de Pigment au cœur de la capitale.
Ses modèles? Bret Taylor, président d’OpenAI ou Demis Hassabis, fondateur de Deepmind (racheté par Google en 2014), "les penseurs du siècle à venir", confie-t-elle.
- "Cheffe d'orchestre" -
Engagée en faveur de l'écologie et des questions d'inclusion dans le numérique, la cheffe d'entreprise a récemment travaillé avec la secrétaire d’État à l'intelligence artificielle du gouvernement Barnier Clara Chappaz, à l'élaboration d'un pacte il y deux ans pour injecter davantage de parité dans un univers de start-up "très masculin".
"On est encore dans un monde qui est assez dissymétrique", constate-t-elle.
"Plus on aura d'exemples, plus on sera dans un cercle vertueux qui montrera que c'est possible", conclut l'entrepreneuse, qui dit n'avoir jamais été freinée personnellement dans ses ambitions.
Fille d'une professeure de lettres classiques et d'un médecin, Eléonore Crespo, qui a grandi en Savoie, est attirée très tôt par les maths et la physique pour "comprendre les choses au maximum".
"J'ai le souvenir d'une élève très motivée, très organisée, qui pose beaucoup de questions et est très curieuse", abonde auprès de l'AFP, Philippe Mustar, qui fut son professeur à l’École des mines.
Aujourd'hui, en tant que patronne, c'est une figure "énergique", "ambitieuse", "à laquelle tout le monde se raccroche et qui sait motiver les troupes", lance Romain Niccoli, avec qui elle a cofondé Pigment en 2019.
"Eléonore est capable de présenter une vision et de rassembler les gens mais plus en tant que cheffe d'orchestre qui met la main à la pâte qu'en tant que leader inaccessible", détaille-t-il.
publié le 15 décembre à 13h12, AFP