Faits divers

Narcobanditisme: un assassinat par erreur décrypté à Besançon

Verdict vendredi dans le procès de trois hommes pour l'assassinat d'Houcine Hakkar

© LOIC VENANCE, AFP - Verdict vendredi dans le procès de trois hommes pour l'assassinat d'Houcine Hakkar

Ils se sont vantés sur leur messagerie cryptée d'avoir exécuté une cible d'une "balle à bout portant dans la tête": le procès de trois hommes déjà condamnés pour trafic de stupéfiants s'est ouvert lundi, à Besançon, pour l'assassinat d'Houcine Hakkar, 22 ans, tué par erreur en 2020.

Le hall du tribunal a été sécurisé en raison de la tension qui entoure cette affaire survenue dans le cadre d'une guerre de territoires entre trafiquants.

Visages juvéniles, Élias Basbas, 24 ans, col roulé blanc et doudoune noire sans manche, et Melk Ghezali, 31 ans, pull foncé, se sont installés dans le calme dans le box des accusés, entourés de cinq membres cagoulés des services pénitentiaires.

Ils sont tous deux accusés d'avoir assassiné Houcine Hakkar alors qu'il circulait en voiture à Besançon et d'avoir tenté d'assassiner son passager. L'enquête a révélé qu'ils s'étaient trompés de voiture, et donc de cible. Ils visaient en réalité un Parisien affilié à une bande rivale, le clan "Abdou".

"Je reconnais les faits qui me sont reprochés", a déclaré devant les jurés Melk Ghezali, soupçonné d'être le conducteur de leur voiture. "Je vous présente mes excuses à tous", a-t-il ajouté en regardant les parties civiles droit dans les yeux. Pendant l'instruction, il avait soutenu qu'il pensait participer à des tirs d'intimidation, non des tirs pour tuer.

L'attitude de son co-accusé, soupçonné d'être le tireur, tranche. "Je suis innocent. Je n'ai rien à voir avec les faits et j'espère que cette semaine je pourrai m'expliquer", a affirmé avec aplomb Élias Basbas, malgré le décryptage de ses conversations avec les membres de son clan.

Mohamed Mordjane, 31 ans, en fuite à l'étranger et jugé par contumace, est accusé de complicité d'assassinat. Désigné comme le chef du clan qui porte son nom, il est suspecté d'avoir commandité le crime et facilité sa réalisation en fournissant armes (un fusil-mitrailleur HK-MP5 et un revolver), voiture et téléphones cryptés aux tueurs.

Il sera néanmoins représenté par un avocat, comme l'autorise la loi. Tous trois risquent la prison à perpétuité.

La cour d'assises du Doubs rendra son verdict vendredi.

- Messagerie déchiffrée -

Les trois accusés ont déjà été condamnés à de multiples reprises pour trafic de stupéfiants, violences aggravées et association de malfaiteurs.

Les faits remontent au 8 mars 2020 vers 21H00. Houcine Hakkar circule avec un ami à Besançon lorsqu'il est pris en chasse par des hommes armés. Ils tirent à 29 reprises dans sa direction et le touchent à plusieurs reprises, dont une fois à la tête. Également blessé, son passager parvient à s'enfuir.

A l'époque, les malfaiteurs bisontins, comme de nombreux groupes criminels français et européens, échangent librement avec des téléphones PGP (Pretty Good Privacy) via la messagerie cryptée Sky ECC, se croyant à l'abri des écoutes policières.

Mais en 2019 une enquête sur ce réseau est ouverte à Lille. L'ensemble des conversations concernant l'assassinat d'Houcine Hakkar est alors déchiffré et transmis aux enquêteurs de la police judiciaire et de la sûreté départementale de Besançon.

"Un homme est tombé sous les balles. On les a tamponnés, tamponnés, ils ont fait un accident, et balle à bout portant dans la tête", s'enorgueillissent ainsi les tueurs présumés sur la messagerie.

- Jeunes et ultra-violents -

Les investigations mettent également en cause cinq hommes soupçonnés d'avoir participé au crime à des degrés moindres. Ils seront jugés ultérieurement.

L'assassinat du jeune mécanicien, totalement étranger au trafic de stupéfiants, marque l'épilogue de cinq mois d'affrontements armés entre deux bandes rivales, les clans "Mordjane" et "Abdou", qui se disputaient le marché de la drogue dans le quartier sensible de Planoise entre novembre 2019 et mars 2020.

Ces règlements de compte emblématiques de l'émergence de trafiquants ultra-violents et de plus en plus jeunes dans les villes moyennes de France, ont également fait une douzaine de blessés, âgés de 14 à 31 ans.

Une cinquantaine de membres des deux clans ont été condamnés pour ces règlements de compte qui ont fortement ébranlé les 20.000 habitants du quartier.

publié le 16 décembre à 12h04, AFP

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