Politique

Vu comme un recours, Cazeneuve refuse de "spéculer" sur la chute du gouvenrement Barnier

L'ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve prononce un discours lors de l'université d'été du MoDem à Guidel, dans le Morbihan, le 29 septembre 2024

© FRED TANNEAU, AFP - L'ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve prononce un discours lors de l'université d'été du MoDem à Guidel, dans le Morbihan, le 29 septembre 2024

Serait-il un recours? L'ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve refuse de "spéculer" sur la chute du gouvernement Barnier et appelle à trouver "un compromis" pour éviter une "crise de régime", tout en se projetant à plus long terme, avec la préparation d'un "projet" pour la France.

Son nom avait déjà circulé à la fin de l'été pour une éventuelle nomination à Matignon, mais le président de la République lui avait préféré Michel Barnier, issu de la droite.

Avec les menaces de censure sur l'actuel gouvernement, l'hypothèse d'un gouvernement Cazeneuve refait surface, mais l'intéressé n'est "pas dans cet état d'esprit", a-t-il assuré vendredi dans un entretien à l'AFP.

"S'il y avait une censure du gouvernement, combien de temps durerait le suivant? Personne ne le sait et personne ne sait comment on résoudrait les problèmes urgents", constate-t-il, évoquant l'affaissement institutionnel, le décrochage dans l'industrie, la crise agricole, la situation internationale, l'affaiblissement de l'Europe ou le risque sur les marchés.

Inquiet de "la crise de régime" qui pourrait survenir, l'ex-Premier ministre puis ministre de l'Intérieur de François Hollande appelle gouvernement et parlementaires à trouver au contraire un "compromis" sur le budget, autour de "quelques priorités, qui permettent d'aller jusqu'à la fin du quinquennat".

D'ailleurs, celui qui a quitté le PS en 2022 pour marquer son opposition à l'alliance de gauche avec La France insoumise "ne pense pas que la chute du gouvernement Barnier aboutisse mécaniquement à un gouvernement Cazeneuve, ni à un gouvernement (Xavier) Bertrand, ni à un gouvernement de centre gauche".

"Le risque le plus grand, c'est celui d'une grande confusion" qui, selon lui, pourrait faire le jeu des populistes et aboutir à l'arrivée du Rassemblement national au pouvoir.

- Pas de casus belli -

La semaine dernière, à l'Assemblée nationale, une cinquantaine de parlementaires hétérogènes - PS, macronistes, indépendants ou non-inscrits - s'étaient réunis autour de lui, sur une initiative du député radical Harold Huwart. Un rassemblement similaire avait déjà eu lieu quelques semaines plus tôt au Sénat.

De quoi laisser penser qu'il pourrait être le "recours"? "Je pense que Bernard Cazeneuve est l'homme de la situation", avait répondu le socialiste Philippe Brun.

"Il a un désir d'apaiser le débat et d'offrir à gauche une perspective, une alternative", confirme le député indépendant Liot David Habib (autrefois encarté au PS), persuadé que si son champion était nommé Premier ministre, "il n'y aura pas de censures des députés socialistes".

Le PS avait pourtant refusé en septembre de s'engager a priori à ne pas censurer un tel gouvernement, provoquant la colère de certains élus socialistes.

Quant aux autres formations du Nouveau Front populaire, il est peu probable qu'elles soient favorables à ce recours, lui reprochant toujours la mort du militant Rémi Fraisse lors d'une manifestation sur le barrage de Sivens (Tarn) en 2014 ou sa loi sur la réponse policière aux refus d'obtempérer, que LFI dépeint comme un "permis de tuer".

La députée écologiste Dominique Voynet s'est montrée plus conciliante: "Il nous faut quelqu'un d'expérimenté pour Matignon", observe-t-elle, jurant ne pas faire de l'hypothèse Cazeneuve "un casus belli".

- "Reconquérir un électorat" -

Une partie du camp macroniste, notamment le MoDem, pourrait également regarder cette perspective avec bienveillance.

Mais l'ancien Premier ministre dit avoir "trop conscience de la gravité de la situation" pour "en faire une opération d'autopromotion personnelle".

Il ne veut pas être chef de gouvernement "quoi qu'il en coûte", résume Guillaume Lacroix, président du PRG, qui le soutient dans sa démarche, en soulignant que M. Cazeneuve "ne peut se résoudre à la crise de régime qui pourrait survenir".

En attendant, l'ancien maire de Cherbourg a entamé une série de déplacements, sorte de "Tour de France" des "salles des fêtes de sous-préfecture et de chefs-lieux de cantons".

Après une première première réunion publique à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) début novembre, il s'est rendu vendredi à Bordeaux pour rencontrer des étudiants avant une réunion publique à Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne).

"Il veut reconquérir un électorat", développe le patron du PRG. "On peut le trouver vieux, dire qu'il se sape mal, qu'il n'y a que des têtes blanches dans ses meetings, mais à Saint-Nazaire, il y avait 500 personnes, c'est pas banal, c'est tangible", ajoute-t-il.

Bernard Cazeneuve promet un "projet pour le pays au début de l'été". "De gauche, d'inspiration républicaine, socialiste, social-démocrate", énumère-t-il, "mais qui peut rassembler bien au-delà, compte tenu du contexte".

publié le 22 novembre à 18h24, AFP

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