Le Pen à Mayotte veut "écouter" ses habitants et mettre la pression sur le gouvernement
La cheffe de file des députés du Rassemblement national, Marine Le Pen, arrivée dimanche à Mayotte, entend "écouter" ses habitants pendant deux jours, jugeant que le plan de reconstruction prévu par le gouvernement après le passage du cyclone Chido "ne va pas assez loin".
Pas de comité de soutien à l'arrivée ni d'accueil avec des couronnes de fleurs cette fois pour la leader de l'extrême droite, au regard du contexte dans ce territoire où elle engrange par ailleurs d'excellents scores électoraux, mais un coup de pression politique.
Le plan du gouvernement nommé "Mayotte debout" ne "va pas assez loin parce que je pense qu'il manque un volet important qui est un volet diplomatique sans lequel beaucoup des choses qui sont promises ne seront pas tenues", a-t-elle déclaré à sa descente d'un avion de la sécurité civile à l'aéroport de Dzaoudzi.
"Sans régler le problème de l'immigration clandestine, rien ne sera utile", a-t-elle ajouté, en référence à la forte pression migratoire, notamment des Comores voisines, que subit ce département, le plus pauvre de France. Et de promettre d'"amender" en ce sens le projet de loi d'urgence qui doit être présenté mercredi en Conseil des ministres.
A défaut d'apporter des tonnes d'aide, ou de pouvoir annoncer des mesures comme Emmanuel Macron puis François Bayrou avant elle, Mme Le Pen a dit venir d'abord "écouter" les Mahorais et leur "souffrance", pour s'en faire la "porte-parole", trois semaines après le passage de Chido.
- "Plein de poissons" -
"On est encore confronté à l'urgence. Il y a encore la moitié de la population qui n'a pas d'électricité, il y a encore de la population qui n'a pas d'eau, qui n'a pas de nourriture", a-t-elle fait valoir. Pourtant, selon le ministère de l'Intérieur samedi, "100% de la population est raccordée à l’eau courante" et "69,7% de la population générale est alimentée" en électricité, "malgré des disparités importantes entre les communes".
"J'espère que la souffrance des Mahorais suffit à mettre la pression sur le gouvernement", a encore dit Marine Le Pen qui a ensuite rencontré des militaires et pompiers sur une base utilisée par la sécurité civile.
Lundi elle visitera le centre hospitalier puis ambitionne d'effectuer un tour de l'île pour y rencontrer élus et habitants dans le nord (Dzoumonié, Hamjago), l'ouest (Sohoa, Sada) et le sud-ouest (Boueni), des lieux qui restent encore difficiles d'accès.
Devant le marché de Mamoudzou, chef-lieu de l'archipel, désert en ce dimanche après-midi, Mohamed Ali affirme à l'AFP que "Marine Le Pen est ici chez elle". D'ailleurs, "les Mahorais ont +mahorisé+ son prénom et l'appellent Mariama", souligne-t-il. "Avec (ses positions) sur l'immigration", c'est "comme un pêcheur qui aime pêcher. Pour Marine Le Pen, à Mayotte, il y a plein de poissons".
Le RN et sa dirigeante ont effectivement été plébiscités aux dernières élections présidentielles et législatives. Le parti à la flamme y a même obtenu en juillet un de ses deux premiers sièges de députés en outre-mer.
- "Récupération politique" -
L'accueil s'annonce en tout cas moins hostile que pour le chef de l'Etat, chahuté lors de sa venue, quelques jours à peine après la catastrophe. Une prise à partie qu'il attribuera ensuite à "des gens du Rassemblement national".
A l'inverse, Chafika Madi juge ce déplacement "inutile", comme ceux des autres responsables politiques. L'important est plutôt "d'envoyer de l'eau, de quoi manger et reconstruire", considère la commerçante de 36 ans.
La députée écologiste Sandrine Rousseau a fustigé dimanche sur BFMTV une opération de "récupération politique" par Mme Le Pen. "Avant de parler d'immigration, parlons d'abord de la condition des gens", a ajouté l'élue.
Dans une tribune commune publiée par le Figaro le jour de la visite de Mme Le Pen, le ministre d'Etat chargé des Outre-mer Manuel Valls, et ses collègues de l'Intérieur Bruno Retailleau et des Armées Sébastien Lecornu promettent des "mesures de fermeté" contre l'immigration irrégulière dans le second projet de loi "programme" prévu dans quelques mois.
Comme "allonger la durée de résidence régulière des parents (requise pour) l'accès des enfants à la nationalité française". Ils se fixent aussi l'objectif d'"augmenter les éloignements de clandestins, de 25.000 aujourd’hui, à 35.000 demain".
Face à l'immigration irrégulière (La population de Mayotte est estimée par l’Insee à 320.000 habitants, dont la moitié ne possède pas la nationalité française, mais il pourrait y avoir "100.000 à 200.000 personnes de plus, compte tenu de l'immigration illégale", selon une source proche des autorités), François Bayrou avait plaidé pour un recensement de la population et posé la "question" de revenir sur le droit du sol à Mayotte, déjà restreint dans l'archipel.
Sa prédécesseure Elisabeth Borne, désormais ministre de l'Education nationale, a elle estimé sur BFMTV que l'abrogation du droit du sol à Mayotte n'était "pas la bonne voie" car "il y a d'autres mesures" possibles.
publié le 5 janvier à 19h20, AFP