Soupçons d'"acte terroriste" après l'attaque manquée à Brasilia
La police brésilienne a déclaré jeudi traiter l'attaque manquée à l'explosif contre la Cour suprême comme un possible "acte terroriste", cherchant à découvrir s'il existe des "liens" avec les émeutes d'extrême droite qui avaient frappé Brasilia en janvier 2023.
La tension est soudain montée dans un contexte hautement sensible en matière de sécurité: le président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva accueille lundi et mardi un sommet du G20 à Rio de Janeiro, puis mercredi le président chinois Xi Jinping en visite d'Etat à Brasilia.
Mercredi soir, un homme portant des explosifs a tenté en vain d'entrer dans le bâtiment de la Cour suprême avant de se faire exploser. Il n'y a pas eu de blessé.
Le siège de la plus haute juridiction du pays se trouve sur la place des Trois-Pouvoirs, coeur de la démocratie brésilienne, où il fait face au palais présidentiel et au Parlement.
Les enquêteurs travaillent sur deux pistes qui ne s'excluent pas l'une l'autre : celles d'un "acte terroriste" et d'une tentative d'"abolition violente de l'Etat de droit", a indiqué en conférence de presse le directeur général de la Police fédérale, Andrei Rodrigues.
La police a identifié l'assaillant, aux motivations encore inconnues, comme Francisco Wanderley Luiz. Lors d'élections locales en 2020, il avait brigué le poste de conseiller municipal sous les couleurs du Parti libéral de Jair Bolsonaro, président d'extrême droite alors au pouvoir.
Le camp Bolsonaro a évoqué un acte "isolé" dû à un "fou". Sur le réseau social X, l'ancien chef d'État a publié un message d'apaisement, un registre inhabituel pour lui, prônant "dialogue", "union" et "pacification nationale" dans un pays ultra-polarisé depuis des années.
Selon le patron de la Police fédérale, les premiers indices font état d'une "préparation à long terme" de cet "acte individuel" et de possibles "liens" avec les émeutes bolsonaristes contre les sièges de l'exécutif, du législatif et du judiciaire sur la même place de la capitale le 8 janvier 2023.
"Ce n'est pas un fait isolé", a-t-il lancé.
Lula, qui ne se trouvait pas au palais présidentiel au moment des explosions, ne s'est pas exprimé sur le sujet.
Il y a reçu jeudi matin plusieurs ambassadeurs, qui sont entrés par un accès latéral et non par la rampe principale, a constaté un photographe de l'AFP.
- Explosifs dans une maison -
"C'est un attentat contre une institution de la République, le pouvoir de la République", a affirmé le vice-président Geraldo Alckmin, qui se trouve pour la COP29 à Bakou, en Azerbaïdjan.
Les forces de sécurité ont trouvé d'autres explosifs de fabrication "artisanale" dans une maison où vivait l'assaillant présumé, dans la zone ouest de la capitale, a révélé le chef de la police Andrei Passos Rodrigues.
Mercredi soir, deux détonations se sont produites dans un bref laps de temps, vers 19H30 (22H30 GMT).
Il y a d'abord eu une première explosion, celle d'une voiture qui se trouvait sur un parking proche du Parlement, et dont est sorti précipitamment l'assaillant.
Puis "cet individu s'est approché du Tribunal suprême fédéral, a essayé d'entrer, n'y est pas parvenu et l'explosion s'est produite devant la porte", a raconté la vice-gouverneure de Brasilia, Celina Leao.
Sur des images d'une caméra de vidéosurveillance diffusées par TV Globo, on peut voir un homme allumer puis lancer plusieurs objets explosifs produisant une vive lueur vers le bâtiment de la Cour suprême. Voyant des agents de sécurité se rapprocher de lui, il se couche ensuite au sol et place un autre objet similaire sous sa tête, provoquant une forte explosion.
- "Impunité" -
Le 8 janvier 2023, une semaine après le retour de Lula au pouvoir, des milliers de partisans de Jair Bolsonaro, défait au scrutin présidentiel de la fin 2022, avaient pris d'assaut et saccagé les sièges des institutions sur la place des Trois-Pouvoirs.
Alexandre de Moraes, puissant juge de la Cour suprême, conduit les investigations sur cette présumée tentative de coup d'État, dont le spectacle avait rappelé l'assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump le 6 janvier 2021 aux États-Unis.
"Il faut non seulement s'unir pour la défense de la démocratie, mais aussi pour la responsabilisation de ceux qui lui ont porté atteinte, car l'impunité finit par provoquer des événements comme celui d'hier", a déclaré jeudi ce magistrat. Il est désormais chargé aussi de l'enquête sur la tentative d'attaque.
publié le 14 novembre à 22h33, AFP