Ouganda: l'opposant historique Kizza Besigye accusé de menace à la sécurité nationale
L'opposant historique ougandais Kizza Besigye a comparu mercredi devant une cour martiale de la capitale Kampala pour des soupçons de menace à la sécurité nationale, quatre jours après avoir été "kidnappé" au Kenya selon son épouse.
De nombreuses voix se sont élevées contre l'arrestation de cet adversaire du président Yoweri Museveni, qui dirige l'Ouganda d'une main de fer depuis 1986. Ancien médecin personnel du chef de l'Etat, Kizza Besigye, 68 ans, s'est notamment présenté contre lui à quatre reprises à l'élection présidentielle (2001, 2006, 2011, 2016).
Lors de sa comparution, en compagnie d'un autre membre de l'opposition, Hajji Lutale Kamulegeya, également arrêté à Nairobi, il a été accusé d'avoir été en possession de deux pistolets, a indiqué l'un de ses avocats, Erias Lukwago.
Selon l'accusation, les deux hommes auraient "sollicité un soutien logistique en Ouganda, en Grèce et dans d'autres pays dans le but de compromettre la sécurité nationale du pays", a indiqué l'avocat.
"Il a nié les accusations et contesté la compétence du tribunal pour le juger et il a été placé en détention provisoire à la prison (de haute sécurité) de Luzira jusqu'au 2 décembre", a-t-il ajouté.
Ancien colonel ayant quitté l'armée en 2001, Kizza Besigye estime qu'il doit être jugé par un tribunal civil.
- "Jours sombres" -
Il était arrivé en début d'après-midi au tribunal, vêtu d'un costume bleu et d'une chemise rose, souriant, une main menottée à celle d'un policier en civil et faisant le V de la victoire de l'autre, mettant fin à plusieurs heures d'interrogation sur son sort.
Dans la nuit de mardi à mercredi, son épouse Winnie Byanyima, directrice du Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida), avait affirmé sur X qu'il avait été "kidnappé samedi dernier alors qu'il se trouvait à Nairobi" pour la sortie d'un livre d'une figure de l'opposition kényane, Martha Karua, et qu'il était détenu dans une prison militaire à Kampala.
L'Ouganda est régulièrement pointé du doigt par des ONG et gouvernements occidentaux pour ses atteintes aux droits humains et à la liberté d'expression et pour sa répression de l'opposition.
Fin juillet, 36 membres du Forum pour le changement démocratique (FDC), parti créé par M. Besigye, avaient été arrêtés dans l'ouest du Kenya et expulsés vers l'Ouganda, où ils ont été inculpés pour "terrorisme". Ils ont été libérés sous caution fin octobre.
L'emblématique opposant ougandais Bobi Wine a condamné sur X "cette violation flagrante de la loi par le régime ougandais et, malheureusement, par les autorités kényanes".
"Nous revenons aux jours sombres où les Ougandais étaient ramassés sans discernement dans les rues de Nairobi et renvoyés en Ouganda pour être torturés, emprisonnés et d'autres exécutés", a-t-il déploré.
- Ancien médecin personnel -
La principale association professionnelle kényane d'avocats (LSK) a "fermement condamné" l'arrestation de Kizza Besigye, qu'elle juge "contraire non seulement à nos lois locales mais aussi aux lois internationales".
Une série de récents enlèvements de ressortissants étrangers sur le sol kényan suscite également l'inquiétude des organisations de défense des droits humains.
Le mois dernier, le Kenya avait reconnu avoir renvoyé quatre réfugiés turcs qui, selon des groupes de défense des droits humains, avaient été enlevés à Nairobi et expulsés en violation du droit international.
Le Réseau de solidarité avec les dirigeants d'opposition panafricains a qualifié l'extradition de M. Besigye de "profondément inquiétante".
"Ce nouveau modèle d'enlèvement/kidnapping de ressortissants étrangers sur le sol kényan, suivi de retours illégaux et forcés et de détention dans leur pays d'origine n'est pas de bon augure pour nous en Afrique de l'Est", a déclaré le réseau dans un communiqué.
Proche de Yoweri Museveni, dont il a été le médecin personnel du temps de leur lutte armée contre l'ancien dirigeant Milton Obote, Kizza Besigye a quitté le Mouvement national de résistance (NRM) au pouvoir en 2001.
Avec d'autres déçus du président, il a fondé en 2004 le FDC, qu'il a quitté il y a quelques mois pour créer une formation qui n'a pas encore été homologuée, le Front du peuple pour la liberté (PFF).
publié le 20 novembre à 16h31, AFP