Corée du Sud : les enquêteurs veulent un délai supplémentaire pour arrêter Yoon
Le service chargé de l'enquête sur la récente et brève instauration de la loi martiale en Corée du Sud a annoncé lundi qu'il allait demander un délai supplémentaire pour arrêter le président déchu Yoon Suk Yeol, après avoir été empêché de le faire vendredi par sa garde rapprochée.
Le mandat d'arrêt émis le 31 décembre par un tribunal de Séoul expire lundi à minuit (15H00 GMT). "Nous comptons en demander une prolongation aujourd'hui au tribunal", a déclaré dans la matinée devant la presse le directeur adjoint du Bureau d'enquête sur la corruption des hautes personnalités (CIO), Lee Jae-seung.
La demande a été officiellement déposée lundi soir. Une prolongation du mandat peut être accordée jusqu'à l'heure limite de minuit. Si celle-ci est dépassée, les enquêteurs peuvent faire une demande de nouveau mandat.
La probabilité que le tribunal n'accorde pas l'extension "est très faible", a fait valoir Lee Jae-seung.
Vendredi, les enquêteurs du CIO appuyés par des policiers étaient entrés dans la résidence du chef de l'Etat, à Séoul, pour l'appréhender. Mais ils s'étaient heurtés à une unité de l'armée et à des agents du Service de sécurité présidentiel (PSS), soit plusieurs centaines d'hommes, et avaient battu en retraite, bredouilles, après six heures d'un face-à-face tendu.
Des tractations entre différents services de sécurité ont eu lieu lundi sur la façon de procéder à une deuxième tentative.
La police a décliné une demande du CIO qui, en raison des difficultés rencontrées vendredi, souhaitait qu'elle prenne toute seule en charge le prochain raid chez M. Yoon. Mais elle a fait savoir qu'elle lui prêterait quand même main forte.
"L'exécution du mandat d'arrêt du président Yoon relève de la responsabilité du CIO", a dit aux journalistes un responsable de la police. Mais "nous envisagerons la possibilité d'arrêter tout membre du personnel du Service de sécurité présidentiel qui entraverait le processus pendant l'exécution du second mandat", a-t-il ajouté.
Le chef du CIO a souligné que son service avait demandé au chef de l'Etat par intérim Choi Sang-mok d'ordonner aux gardes du corps du président de coopérer. "Mais nous n'avons pas reçu de réponse", a-t-il déploré.
Le Parti démocrate (opposition, centre gauche) a demandé la dissolution du Service de sécurité présidentiel qui protège M. Yoon.
- "Nous reviendrons" -
Ancien procureur vedette, Yoon Suk yeol, 64 ans, a été destitué par l'Assemblée nationale le 14 décembre. Il est visé par une enquête pour "rébellion", un crime passible de la peine de mort, pour avoir imposé par surprise la loi martiale le 3 décembre et envoyé l'armée au Parlement pour le museler, avant de faire marche arrière sous la pression des députés et de milliers de manifestants.
Comme tous les jours depuis le 31 décembre, des centaines de ses partisans inconditionnels étaient présents lundi dès l'aube à proximité de son domicile, prêts à en découdre en cas de nouvelle tentative d'arrestation et surveillés par de nombreux policiers, selon des journalistes de l'AFP sur place.
"Le Service de sécurité présidentiel protègera le président et nous protégerons le Service de sécurité présidentiel jusqu'à minuit. S'ils obtiennent un nouveau mandat d'arrêt, nous reviendrons", a affirmé un des organisateurs du rassemblement, Kim Soo-yong, 62 ans.
Une cinquantaine de détracteurs de M. Yoon manifestaient aussi dans les environs.
"Le CIO est une des agences les plus incompétentes que j'aie jamais vues (...). Cela n'a pas de sens qu'ils ne puissent pas le faire. Ils doivent l'arrêter immédiatement", s'énerve une manifestante, Kim Ah-young, la trentaine.
Incapables d'accéder à M. Yoon, les enquêteurs poursuivent néanmoins la chasse aux officiers de l'armée impliqués dans l'instauration de la loi martiale.
La justice sud-coréenne a inculpé lundi le commandant du renseignement militaire Moon Sang-ho pour avoir participé à une insurrection et abusé de son pouvoir.
- Blinken en ville -
Au milieu de ce psychodrame, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a effectué lundi une courte visite à Séoul, la première étape d'une tournée d'adieu comprenant aussi le Japon, la France et l'Italie. Les vociférations des manifestants partisans de M. Yoon étaient clairement audibles de l'hôtel où il était logé.
M. Blinken s'est abstenu de toute prise de position sur la situation politique mais a salué la "résilience démocratique" des Sud-Coréens. "Les États-Unis ont pleinement confiance dans les institutions de la Corée du Sud", a-t-il lancé en conférence de presse.
Comme pour ajouter à la confusion ambiante, la Corée du Nord a tiré pendant sa visite son premier missile balistique de l'année.
La Cour constitutionnelle de Corée du Sud, qui a jusqu'à la mi-juin pour confirmer ou infirmer la destitution de M. Yoon, a annoncé que ses audiences commenceraient le 14 janvier. En attendant, ce dernier, suspendu de ses fonctions, reste officiellement le chef de l'Etat.
Ses avocats soutiennent que le mandat d'arrêt est "invalide et illégal". Leur recours contre son émission a été rejeté par un tribunal de Séoul mais ils ont annoncé qu'ils feraient appel.
Le chef du Service de sécurité présidentiel, Park Jong-jun, a invoqué dimanche cet argument pour expliquer son refus de laisser arrêter M. Yoon.
publié le 6 janvier à 17h16, AFP