France

Trois personnes décèdent dans une traversée clandestine de la Manche

Des migrants se pressent sur le canot pneumatique d'un passeur pour tenter de traverser la Manche, après avoir quitté la plage de l'Ecault à Saint-Etienne-au-Mont, près de Neufchâtel-Hardelot, dans le Pas-de-Calais, le 30 octobre 2024

© Sameer Al-DOUMY, AFP - Des migrants se pressent sur le canot pneumatique d'un passeur pour tenter de traverser la Manche, après avoir quitté la plage de l'Ecault à Saint-Etienne-au-Mont, près de Neufchâtel-Hardelot, dans le Pas-de-Calais, le 30 octobre 2024

Un bateau "surchargé", "un mouvement de panique" et un nouveau drame: au moins trois personnes sont mortes dimanche lors d'une traversée clandestine de la Manche, portant à 76 -un record- le nombre de migrants décédés cette année dans de telles tentatives.

Aux alentours de 06H00 à Sangatte (Pas-de-Calais), un grand nombre de migrants tente de monter à bord d'un "small boat", un semi-rigide de quelques mètres de long, a indiqué le préfet du Pas-de-Calais, Jacques Billant, lors d'un point-presse.

Il semble "qu'il y avait plusieurs groupes présents pour embarquer dans un bateau déjà surchargé", a-t-il déploré.

"L'embarcation serait arrivée à Blériot-Plage déjà chargée de migrants" pour en récupérer d'autres, mais un groupe supplémentaire de candidats au départ "aurait également voulu monter sur le bateau, entraînant des échanges de coups et des bousculades", a détaillé le procureur adjoint de Boulogne-sur-Mer Patrick Leleu.

"Ces coups et bousculades ont entraîné la chute dans l'eau de trois personnes qui ont perdu la vie", a-t-il ajouté.

Le bateau a poursuivi sa route vers l'Angleterre, "laissant derrière lui un bilan très lourd" selon le préfet Billant: trois hommes majeurs, repêchés par l'hélicoptère de la Marine nationale à quelques dizaines de mètres du rivage, ont été déclarés décédés.

Cinq personnes blessées ont en outre été hospitalisés à Calais et Boulogne-sur-Mer, a précisé M. Leleu.

- "homicide aggravé" -

Quarante-et-une personnes restées dans l'eau après le départ ont été prises en charge au sein de la base nautique de Sangatte, a indiqué Jacques Billant.

Des auditions des survivants sont "en cours pour comprendre les conditions du naufrage et déterminer l'identité des défunts", a précisé M. Leleu, ajoutant que les enquêteurs n'ont pas encore établi si le bateau concerné est arrivé en Grande-Bretagne.

Le parquet de Boulogne-sur-Mer a ouvert une enquête pour notamment pour "homicide involontaire aggravé" et "association de malfaiteurs".

La recherche de potentiels naufragés supplémentaires s'est poursuivie jusque dans l'après-midi, en vain, a indiqué la préfecture maritime.

Depuis Noël, en dépit de la météo hivernale, des vents faibles ont favorisé les tentatives de traversée.

Entre mercredi et samedi, près de 1.500 migrants ont atteint les eaux anglaises à bord de "small boats", selon les chiffres des autorités britanniques. Depuis janvier, plus de 36.000 personnes ont traversé par ce moyen.

"De nombreux départs" ont à nouveau eu lieu dimanche matin, selon la Prémar.

Avec une vingtaine de naufrages depuis janvier qui ont fait au moins 76 morts, 2024 est l'année la plus meurtrière pour les candidats à l'exil tentant de rallier l'Angleterre en petites embarcations. Le phénomène a débuté en 2018, et face à une frontière de plus en plus sécurisée, les candidats prennent davantage de risques.

La secrétaire d'État britannique à la sécurité des frontières Angela Eagle, attribuant la responsabilité du drame à des "criminels sans scrupules gérant le business des bateaux clandestins", a assuré "soutenir les autorités françaises" dans les opérations de secours.

Elle a défendu le bilan du gouvernement travailliste élu en juillet qui a notamment "entamé une vaste campagne de répression du travail clandestin, augmenté le nombre d'expulsions et convenu d'un plan historique avec l'Allemagne pour perturber les chaînes d'approvisionnement" des réseaux de passeurs.

- "Rien ne change" -

"On a commencé l'année le 14 janvier avec cinq morts, on termine l'année avec trois morts sur le littoral parce que rien ne change", a regretté sur place Flore Judet, coordinatrice de L'Auberge des migrants.

Malgré des renforts annoncés fin novembre par le ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau, "les moyens restent insuffisants ou pas forcément efficaces dans la mesure où on reste sur du curatif", a estimé le maire de Sangatte, Guy Allemand.

"Le seul moyen d'éviter (ces drames), c'est d'ouvrir le débat avec l'Angleterre", a-t-il assuré, une demande qu'il a déjà faite ces derniers mois avec plusieurs édiles du littoral, réunis en collectif pour demander un bras de fer avec le Royaume-Uni.

"Nous ne lâcherons rien", a assuré le préfet du Pas-de-Calais, indiquant que "23 filières ont été démantelées par les Oltim (Offices de lutte contre le trafic illicite de migrants, ndlr) (...) et 336 trafiquants ont été interpellés en flagrance depuis le 1er janvier."

publié le 29 décembre à 19h31, AFP

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