"Tabou", "déni" : des policiers dénoncent le racisme de leurs collègues dans une enquête
© Joly Victor/ABACA - Illustration
Une série de témoignages, recueillis par France Télévisions dans une enquête publiée sur franceinfo mardi 12 juin, montrerait une banalisation du racisme au sein de la police nationale.
Si les violences policières ont défrayé la chronique ces dernières années, la question des violences au sein même des forces de l'ordre reste méconnue. Une nouvelle enquête de nos confrères de France Télévisions, publiée sur franceinfo mardi 12 juin, met en lumière des faits troublants rapportés par des agents de police qui seraient victimes de racisme au sein de l'institution. Beaucoup dénoncent une omerta : "Dans la police, on ne dénonce pas ses collègues", explique l'un d'entre eux.
Parmi la dizaine de témoins qui ont accepté de confier leur expérience de manière anonyme, plusieurs sont d'origine maghrébine. L'un d'eux avec 20 ans de carrière se souvient d'humiliations récurrentes lors d'exercices : "Tu vas faire le voleur, on va procéder à un contrôle d’identité sur ta personne", lui aurait demandé un supérieur. Ce rôle lui aurait été attribué plusieurs fois, raconte-t-il. Une policière, elle, fait état d'injures : "Ton nom de famille, c’est un bon nom de bougnoule”, lui aurait lancé un collègue.
"On m'a crevé mes pneus"
Des railleries récurrentes qui ont poussé la fonctionnaire à porter plainte et à confronter ses collègues. "À partir du moment où j’ai osé parler, j’ai été harcelée. J’ai changé de commissariat et j’ai été considérée comme la balance. (...) On m'a crevé mes pneus", déplore cette dernière auprès de France Télévisions. Des retours corroborés par le capitaine Stéphane Lemercier, un gradé ancien syndicaliste : "J’en ai été témoin régulièrement, et je n’ai pas honte de le dire", assure-t-il, estimant qu'il s'agit d'un "tabou" et qu'"il y a un déni au niveau de la hiérarchie".
Contactée par France Télévisions, Sonia Fibleuil, porte-parole de la police nationale, nie tout caractère systémique, et a souhaité préciser que les discriminations étaient prises au sérieux. L'institution mettrait un point d'honneur à recueillir la parole des policiers victimes. Pourtant, un rapport sur le sujet réalisé en 2021 par le conseil scientifique de la DILCRAH, la délégation interministérielle de lutte contre le racisme, pointerait le contraire. Il n'a jamais été rendu public, précise franceinfo.
En octobre 2022, nos confrères de franceinfo abordaient une autre problématique sur laquelle les statistiques sont peu nombreuses, voire inexistantes en France : les violences conjugales commises par des policiers. Des zones d'ombre qui continueront d'alimenter les débats.
publié le 13 juin à 15h40, Joanna Wadel, 6Medias