France

Mort de Cédric Chouviat en 2020: procès requis contre trois policiers pour homicide involontaire

  • Marche en mémoire de Cédric Chouviat le 12 janvier 2020 à Levallois-Perret, près de Paris
    ©GEOFFROY VAN DER HASSELT, AFP - Marche en mémoire de Cédric Chouviat le 12 janvier 2020 à Levallois-Perret, près de Paris
  • Marche en mémoire de Cédric Chouviat le 12 janvier 2020 à Levallois-Perret, près de Paris
    ©Emmanuel DUNAND, AFP - Remise en situation le 25 janvier 2023 à Paris des faits ayant conduit à la mort de Cédric Chouviat en janvier 2020
  • Marche en mémoire de Cédric Chouviat le 12 janvier 2020 à Levallois-Perret, près de Paris
    ©Sameer Al-DOUMY, AFP - Une pancarte brandie par un manifestant lors d'une marche blanche en mémoire de Cédric Chouviat, le 3 janvier 2021 à Paris

Le parquet de Paris a requis un procès pour homicide involontaire contre trois policiers accusés d'avoir involontairement causé la mort du livreur Cédric Chouviat, qui avait répété "J'étouffe" lors d'une interpellation tendue en 2020. Une qualification pénale insuffisante pour la famille, qui veut les voir juger aux assises.

Le ministère public a demandé mardi un procès devant le tribunal correctionnel pour ces trois fonctionnaires encore en exercice et aujourd'hui âgés de 28, 33 et 38 ans, a indiqué une source proche du dossier, confirmant une information de Mediapart.

Une quatrième policière, placée sous le statut plus favorable de témoin assistée, échappe aux poursuites.

Dans ses réquisitions consultées mercredi par l'AFP, le ministère public reproche aux trois policiers des "négligences": ils ont usé d'une "technique d'interpellation" qu'ils savaient "dangereuse" sans jamais contrôler l'état de santé du livreur.

Même si leur "recours à la force" était "justifié" face au "comportement opposant" de Cédric Chouviat, a estimé le parquet, leurs "négligences" ont provoqué une "privation très rapide d'oxygène au cerveau" du livreur, qui en est mort.

Les faits remontent au 3 janvier 2020.

Cédric Chouviat, père de famille de 42 ans, est plaqué au sol à Paris, avec son casque de moto sur la tête lors d'un contrôle policier, provoquant un malaise. Hospitalisé dans un état critique, il est déclaré mort le 5 janvier.

Six mois après son décès, l'affaire était devenue emblématique des violences policières après des révélations issues de l'expertise judiciaire: lors de sa mise au sol et de son menottage par les policiers, Cédric Chouviat a dit neuf fois "j'étouffe" en treize secondes, avant de faire un malaise.

Ses supplications rappelaient la mort de George Floyd, un Afro-Américain étouffé en mai 2020 par un policier blanc à Minneapolis, drame qui avait déclenché une immense vague de manifestations aux Etats-Unis.

- "Battements de jambes" -

Selon les réquisitions, le livreur a été "empêché de se dégager puis menotté dans le dos pendant une minute trente depuis le début de son maintien au sol, sans la moindre réaction ni contrôle de son intégrité par les policiers mis en examen, et ce malgré ces battements de jambes de haut en bas confirmés par l'exploitation de films pris par des témoins".

Pendant toute l'instruction, les policiers ont affirmé avoir cru que Cédric Chouviat opposait une "rébellion ininterrompue" à son interpellation, a rappelé le parquet, ce que des témoins ont plutôt interprété comme des signes de détresse.

"Si on avait entendu même une fois" l'expression "j'étouffe", "on se serait arrêté", avait certifié en juillet 2020 le chef de bord devant le juge d'instruction.

Une remise en situation a été organisée en janvier 2023 à l'endroit de l'interpellation, quai Jacques-Chirac à 100 mètres de la Tour Eiffel, pour déterminer si les policiers étaient en mesure d'entendre ses cris d'agonie.

Mardi, le parquet a tranché, s'appuyant notamment sur des éléments filmés: les policiers, pourtant "formés au repérage de signaux d'alerte, ont poursuivi leur action (...) sans percevoir ni tenter de comprendre ce qui pouvait s'apparenter à la manifestation de signes de détresse".

Pour les avocats de la famille, "un procès s'impose", mais pas tel que requis par le parquet.

La qualification d'homicide involontaire est "un non-sens juridique car elle ne reflète pas la réalité du caractère volontaire des violences subies", ont réagi auprès de l'AFP Mes William Bourdon et Vincent Brengarth.

"Une clé d'étranglement est par principe volontaire", a abondé Me Arié Alimi, autre avocat de la famille. "Si le juge retient la qualification d'homicide involontaire, le risque de relaxe est très important", a-t-il prévenu.

L'enquête ne les a "jamais mis en cause pour des faits de nature volontaire dans ce dossier", a de son côté souligné Pauline Ragot, avocate du chef de bord et d'un autre policier mis en cause. Me Ragot entend déposer des observations pour solliciter un non-lieu.

Me Laurent-Franck Liénard, qui défend un troisième policier, va aussi contester la position du ministère public. Cédric Chouviat "refusait de se laisser menotter et luttait énergiquement", "rien ne laissait supposer qu'il était en détresse", a-t-il affirmé.

Il revient désormais au juge d'instruction de renvoyer ou non les policiers en procès.

publié le 30 octobre à 14h01, AFP

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