Meurtres dans le Nord: la piste d'une vengeance professionnelle privilégiée
Quarante-huit heures après le quintuple meurtre survenu samedi dans les environs de Dunkerque, la piste d'une vengeance professionnelle se dessine, le tireur présumé ayant travaillé pour sa première victime ainsi qu'au sein de l'entreprise où exerçaient les deux suivantes.
Le suspect de 22 ans, qui s'est rendu à la gendarmerie de Ghyvelde (Nord), petite commune à la frontière belge, samedi, avait de la rancœur envers sa première victime, Paul Dekeister, qui était son ancien employeur, a indiqué l'avocate du suspect, Véronique Planckeel.
Cet homme de 29 ans, qui dirigeait une société de transport routier, a été tué vers 15H15 samedi à Wormhout devant son domicile par plusieurs tirs d'armes à feu.
"On ne sait pas la manière dont s'est rompu le contrat de travail", a déclaré à l'AFP l'avocate, pour qui "beaucoup de zones d'ombre demeurent" sur le mobile.
Selon une source proche du dossier, une vengeance après un différend professionnel fait partie des pistes privilégiées.
- "très calme" -
Me Planckeel souligne que son client, en garde à vue depuis samedi, "a spontanément reconnu les faits". Il est "très calme", mais elle n'est "pas sûre que ce garçon comprenne vraiment les conséquences de ses actes" ni qu'il "sache lui-même quoi répondre" aux enquêteurs.
Le tueur présumé a en outre été salarié d'une filiale d'Eamus Cork Security (ECS) pour laquelle travaillaient ses deux victimes suivantes, deux agents de sécurité, a indiqué lors d'un point-presse lundi matin Patrick Guerbette, fondateur d'ECS.
Il y a effectué "une période de formation et de contrat de professionnalisation" d'environ quatre mois jusqu'à août 2023, durant laquelle il n'a été la cible d'"aucun reproche", a ajouté M. Guerbette. Selon lui, il n'avait alors "pas du tout" été en contact avec les deux agents pris pour cible.
Le suspect "a démissionné de sa mission avant la fin de sa formation, apparemment (...) pour suivre une formation, je crois, dans le transit routier", a précisé M. Guerbette lors d'une deuxième prise de parole, dans l'après-midi.
Les deux agents de sécurité, pères de famille trentenaires, Marc et Aurélien, ont été tués vers 16H00 dans la zone portuaire de Loon-Plage, en périphérie de Dunkerque.
Ils patrouillaient la zone à bord d'un véhicule d'entreprise, non-armés mais porteurs de gilets pare-balle et accompagnés d'un chien, a précisé Patrick Guerbette. Le corps de l'un d'eux a été retrouvé "à proximité du véhicule, à l'extérieur", a-t-il ajouté.
Pour Patrick Guerbette, "n'importe qui qui se serait trouvé là, à ce moment-là sur la route, aurait pu être une victime."
D'après l'avocate du suspect, sur les deux agents de sécurité, "il en connaissait un de vue, semble-t-il, c'est tout".
- "Peur, stress et précarité" -
Enfin, a-t-elle ajouté, il n'y a pour l'heure "pas d'explication" au meurtre quelques minutes plus tard et à cinq kilomètres de là de deux migrants à proximité d'un campement.
Ceux-ci "pourraient être de nationalité iranienne (...) âgés de 19 et 30 ans", a indiqué dimanche la procureure de Dunkerque, Charlotte Huet, par un communiqué.
La source proche du dossier rapporte qu'ils auraient été pris pour cible par hasard.
"De nombreuses personnes" sur le campement "nous ont demandé de la protection, un hébergement", a indiqué Célestin Pichaud, coordinateur de l'association Utopia 56. "La peur, le stress et la précarité sont au maximum", a-t-il alerté.
Plusieurs armes à feu ont été retrouvées dans la voiture du suspect, inconnu des services de police et de l'autorité judiciaire selon le parquet, qui a ouvert une enquête pour "meurtres (...) accompagnés d'un autre crime" et "transport d'armes (...)".
Cette garde-à-vue peut durer "jusqu'à 96 heures, c'est-à-dire jusqu'à mercredi", a précisé la procureure dans son communiqué.
Des cagnottes ont été lancées pour les familles des deux agents de sécurité.
Plusieurs commémorations s'organisent lundi soir, dont un cortège en direction du stade de football de Dunkerque à l'initiative des ultras dunkerquois auxquels appartenait l'un des agents de sécurité, et un hommage citoyen aux deux migrants décédés, ainsi qu'aux trois autres victimes, à 18H30 à Dunkerque également.
publié le 16 décembre à 17h34, AFP