Gouvernement, budget: Bayrou consulte et compose
François Bayrou a commencé lundi à consulter les forces politiques en même temps qu'il compose son gouvernement, en quête d'un chemin qui lui permettrait de faire passer, sans majorité, un budget, après le gel du précédent par la censure.
Le nouveau Premier ministre reçoit les groupes parlementaires de l'Assemblée nationale "par leur ordre d'importance" numérique dans cette chambre.
Première reçue, la présidente du groupe des députés Rassemblement national, Marine Le Pen, accompagnée du chef du parti Jordan Bardella, a salué une "méthode plus positive" que son prédécesseur Michel Barnier, qu'elle avait accusé de la recevoir trop tardivement.
Elle a souhaité à cette occasion que le chantier du mode de scrutin à la proportionnelle, revendiqué aussi par François Bayrou, soit engagé "juste après le budget" et associé la proposition de la gauche de ne pas censurer le gouvernement si celui-ci n'utilise plus le 49.3, à des "tractations indignes".
François Bayrou, qui a tenu à appeler personnellement chaque chef de groupe, s'est entretenu aussi avec Gabriel Attal, à la fois le chef de file des députés macronistes Ensemble pour la République (EPR), et président du parti Renaissance, qui est ressorti sans un mot, le visage fermé.
Suivront à midi les chefs de groupe socialistes, Boris Vallaud pour l'Assemblée et Patrick Kanner pour le Sénat, avec le Premier secrétaire du PS Olivier Faure, qui n'ont pas l'intention d'entrer au gouvernement mais se sont montrés prêts à discuter sur différents sujets, comme d'une "conférence sociale" sur les retraites ou de la taxation des hauts revenus, autant de propositions que soutient le MoDem, parti de François Bayrou.
L'ancien Premier ministre socialiste Lionel Jospin leur a recommandé de "rester dans l'opposition" mais de ne pas faire un "usage mécanique de la censure" pour que le gouvernement Bayrou "dure".
La France insoumise, qui a déjà promis la censure, a refusé de rencontrer le Premier ministre dans ce cadre, par "crainte" selon Jean-Luc Mélenchon "que tout ça soit à nouveau une comédie".
- "Personnalités" -
Parallèlement à ces consultations, qui se poursuivront mardi, M. Bayrou constitue son cabinet et peaufine son gouvernement qu'il veut resserré et dominé par des "personnalités" d'expérience, en laissant Mayotte touchée par un ouragan meurtrier aux mains d'Emmanuel Macron.
François Bayrou, qui a revu dimanche soir le président, s'est défini dimanche comme "un Premier ministre de plein exercice et de complémentarité" avec le chef de l'Etat qui avait hésité jusqu'à la dernière minute à le nommer.
Il a choisi comme directeur de cabinet un proche, Nicolas Pernot qui a dirigé les services de la ville de Pau, dont M. Bayrou est maire. Son adjoint sera Pierre-Emmanuel Portheret, qui connaît bien aussi le chef du MoDem qu'il avait secondé à la Justice.
François Bayrou n'a toutefois pas l'intention de batailler sur les postes régaliens, qui relèvent du domaine dit "réservé" au président, selon une source gouvernementale.
Le MoDem détient actuellement le ministère des Affaires étrangères, avec Jean-Noël Barrot.
Reste à savoir si Sébastien Lecornu, un fidèle d'Emmanuel Macron que le chef de l'État a hésité à nommer à Matignon, souhaite rempiler à son poste.
M. Bayrou a reçu vendredi le ministre de l'Intérieur sortant Bruno Retailleau (LR), à qui il a laissé le pilotage de la crise à Mayotte, comme un gage de la poursuite de sa mission au gouvernement. Mais le maintien de ce ministre clivant divise.
- "Elargir" au PS ? -
L'ancien ministre de l'Industrie Roland Lescure, dont le nom avait circulé pour Matignon, plaide lui pour "élargir" l'exécutif à des ministres socialistes, estimant que le "deal" d'une non censure contre pas de 49.3 "ne peut fonctionner que s'ils décident d'entrer au gouvernement".
La France insoumise met en balance l'union de la gauche: "toute personne qui rentrera dans ce gouvernement se mettra à distance de manière irrémédiable du Nouveau Front populaire", a prévenu son coordinateur Manuel Bompard sur TF1.
Le temps presse pour la formation du gouvernement car c'est lui qui portera le nouveau projet de loi de finances pour 2025, interrompu par la censure, alors que le déficit s'aggrave et que les agences de notation froncent les sourcils.
L'ex-commissaire européen Thierry Breton et le premier président de la Cour des comptes Pierre Moscovici, dont les noms circulent pour entrer dans l'exécutif, se sont tous deux inquiétés lundi "d'une France à l'arrêt" et réclamé un gouvernement pour s'attaquer au désendettement sans lequel "il n'y a pas d'avenir".
En l'absence de budget adopté dans les temps, le Parlement devrait adopter avant Noël un projet de la loi spéciale qui permettra la continuité de l'État.
publié le 16 décembre à 11h27, AFP