Début du procès pour viol collectif d'anciens rugbymen de Grenoble, sept ans après les faits
Ils sont accusés d'avoir violé une jeune femme ou d'avoir assisté à l'agression sans intervenir, après une "troisième mi-temps" alcoolisée à Bordeaux en 2017: cinq ex-rugbymen de Grenoble comparaissent depuis lundi devant la cour d'assises de Gironde.
Le procès, prévu jusqu'au 13 décembre, devait initialement se tenir en juin, à huis clos, mais avait été renvoyé en l'absence d'un prévenu, l'Irlandais Denis Coulson, blessé dans un grave accident de voiture quelques jours plus tôt.
L'ancien pilier, aujourd'hui âgé de 30 ans, est arrivé lundi au tribunal en marchant à l'aide d'une béquille. Il est poursuivi pour viol en réunion avec le Néo-Zélandais Rory Grice, 34 ans, et le Français Loïck Jammes, 30 ans, également présents lundi, tout comme l'Irlandais Chris Farrell (31 ans) et le Néo-Zélandais Dylan Hayes (40 ans) qui répondent de non-empêchement de crime.
- Huis clos partiel -
Les médias ne pourront pas assister aux audiences, la présidente ayant prononcé un huis clos partiel, après une nouvelle demande en ce sens des avocats de la victime.
L'un d'entre eux, Me Gaessy Gros, a reconnu que la publicité complète des débats, telle que l'a demandée Gisèle Pelicot au procès des viols de Mazan, "c'était important pour la société". "Mais on a vu aussi les dérives que ça pouvait engendrer", a-t-il ajouté. "Notre cliente n'est pas capable de supporter tout ça."
Selon lui, la victime "est en proie à de multiples sentiments contradictoires", entre "hâte" "que ce procès se passe et qu'enfin ait lieu le dénouement de ce qui a eu lieu il y a sept ans", et "crainte de faire face à ses agresseurs", "et de revivre une nouvelle fois ce qu'elle a déjà vécu".
Le 12 mars 2017, V., 20 ans, quittait en larmes un hôtel de Mérignac, en périphérie de Bordeaux, où l'équipe de Grenoble avait passé la nuit après un match de Top 14 perdu contre l'Union Bordeaux-Bègles, le club local.
L'étudiante déposait plainte, déclarant avoir rencontré des joueurs du FCG dans un bar et les avoir suivis en boîte de nuit, où l'alcool avait coulé à flots.
Elle ne se souvenait de rien entre la discothèque et l'hôtel où elle avait repris ses esprits, nue sur un lit avec une béquille dans le vagin, entourée de deux hommes nus et d'autres habillés.
Coulson, Jammes et Grice ont reconnu des relations sexuelles en affirmant que V. était consentante. Farrell, à qui appartenaient les béquilles, était présent dans la chambre et Hayes a également assisté aux faits.
- "Pas en état de consentir" -
"Pour eux, elle était parfaitement consentante dans la mesure où elle était active (...) Pour nous, il n'y a pas de viol", a affirmé lors d'une suspension d'audience l'avocate de Coulson, Me Corinne Dreyfus-Schmidt.
Se basant sur les auditions des accusés, de témoins et une sextape tournée par Coulson, un film "très évocateur" qui "dérange un peu la partie civile", selon Me Dreyfus-Schmidt, les enquêteurs évoquent plusieurs fellations et l'introduction d'une banane, d'une bouteille et de béquilles dans le vagin de la victime.
D'après un expert toxicologique, la victime aurait eu entre 2,2 et 3 grammes d'alcool par litre de sang. Sur des images de vidéosurveillance, elle tient difficilement debout à son arrivée à l'hôtel.
"Ces Messieurs-là l'ont portée (...) Le silence ne vaut pas consentement, d'autant plus quand on sait que la personne est très fortement alcoolisée", a déclaré lundi Me Gros, estimant que "la bonne attitude, c'était de mettre Madame dans un taxi ou de la coucher".
"Quand la défense dit que ma cliente a dit oui mais qu'elle a oublié qu'elle avait dit oui, il faudra me dire à quel moment elle a dit oui", a renchéri Me Anne Cadiot-Feidt pour la partie civile.
Trois des cinq accusés - Grice, Jammes et Farrell - sont toujours rugbymen professionnels. Coulson est devenu manager d'un site de construction et Hayes est sans emploi.
Plusieurs affaires ont terni récemment l'image du rugby français, avec notamment l'inculpation pour viol aggravé, en Argentine lors de la tournée du XV de France en juillet dernier, de Hugo Auradou et Oscar Jegou. La décision concernant un éventuel non-lieu des deux internationaux est actuellement en délibéré.
publié le 2 décembre à 17h53, AFP