Coup de sifflet final pour le procès "Carton rouge" à Nancy
© Jean-Christophe VERHAEGEN, AFP - Plus de trois semaines d'audience, près d'un millier de parties civiles, 150 avocats et 28 millions d'euros volés dans de faux investissements en cryptomonnaies ou diamants: le mégaprocès dit "Carton rouge" a pris fin jeudi à Nancy
Plus de trois semaines d'audience, près d'un millier de parties civiles, 150 avocats et 28 millions d'euros volés dans de faux investissements en cryptomonnaies ou diamants: le mégaprocès dit "Carton rouge" a pris fin jeudi à Nancy.
La décision du tribunal, composé de quatre magistrats au lieu de trois compte-tenu de l'ampleur du dossier, a été mise en délibéré. Elle doit être rendue le 31 mars.
Entre 2016 et 2019, plus de 1.300 particuliers ont été dupés par des escrocs, qui les avaient attirés via des sites internet d'investissement en diamants ou en cryptomonnaies vantant de très bons rendements.
La plupart des personnes flouées avait pour point commun d'avoir eu, peu avant, une rentrée d'argent inattendue, qu'elles ont souhaité placer.
Si ce volet est le plus important du dossier, l'enquête a débuté par les plaintes de clubs de football professionnels. Trois d'entre eux (Sochaux, Angers et Toulouse) ont été escroqués de sommes allant de 10.000 à 35.000 euros par de faux agents de joueurs et six autres ont subi des tentatives (Lorient, Marseille, Brest, Rennes, Nantes et Dijon).
- Excuses de prévenus -
Vingt-deux personnes étaient poursuivies devant le tribunal correctionnel, qui a délocalisé son audience au Centre des congrès de Nancy compte-tenu du nombre exceptionnel de parties prenantes au procès.
Jeudi, seuls trois prévenus avaient "pris la peine" d'être présents, comme l'a souligné le président Stanislas Massonie.
Ils ont eu la parole en dernier. L'un, Tolga M., à qui il était reproché d'avoir été informaticien au bureau de Marseille de cette organisation répartie entre la France et Israël, a demandé pardon aux victimes, plaidant "une erreur de jeunesse" et la "rencontre d'un mauvais employeur".
Ce n'est qu'au procès qu'il s'est rendu compte de l'impact gravissime que peuvent avoir de simples "lignes de code que l'on tape derrière un écran", a-t-il reconnu.
Le procureur Vincent Legaut avait requis mardi des peines allant jusqu'à 8 ans de prison à l'encontre des 22 prévenus, un seul échappant à une demande de prison ferme.
Trois mis en causes, considérés comme des "têtes pensantes" du réseau, sont en fuite, sous le coup d'un mandat d'arrêt.
Parmi les prévenus, il y avait aussi des petites mains, qui ont servi de prête-nom pour ouvrir des comptes en banque ou des sociétés factices permettant de faire transiter le produit des escroqueries.
Plus de 200 comptes bancaires ont été mis au jour durant l'instruction, dans 19 pays différents.
- Indemnisation -
L'enjeu du délibéré, outre la culpabilité ou non des prévenus, sera aussi de savoir si les victimes auront droit à des dommages et intérêts au regard du préjudice subi.
A l'issue du procès, auquel deux victimes venues du sud de la France ont assisté en intégralité, une dizaine de parties civiles rencontrées par l'AFP disaient craindre de ne jamais revoir leur argent.
"On est trop de victimes, ça ne sera pas possible d'indemniser tout le monde", redoute un couple venu du Jura qui a requis l'anonymat.
"Je n'y crois pas. Et si un chèque arrive, ce sera une bonne nouvelle", veut tout de même espérer Marie-Bernadette, qui a perdu 10.000 euros dans l'arnaque aux diamants, venue des Bouches-du-Rhône pour suivre le procès depuis le 21 octobre.
Certains ont perdu quelques milliers d'euros, mais le préjudice monte à plusieurs centaines de milliers d'euros pour d'autres victimes.
La justice a saisi durant la procédure 2,8 millions d'euros, soit un dixième seulement du préjudice financier total.
Si les prévenus qui seront déclarés coupables peuvent être obligés, par le tribunal, à indemniser les victimes, d'autres solutions pour obtenir réparation s'ouvrent aux parties civiles, selon Anne-Sophie Gavriloff, porte-parole de la Fédération France Victimes.
Elles peuvent notamment "demander une indemnisation à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc), saisir le Service d'aide au recouvrement des victimes d'infractions (Sarvi)" ou "mandater un huissier de justice pour procéder à la saisie d'un bien appartenant à un condamné ou ses comptes bancaires", explique-t-elle.
publié le 14 novembre à 18h07, AFP