Accusé de violences sexuelles, l'abbé Pierre s'était montré menaçant envers ses dénonciateurs

© Gorassini Giancarlo/ABACA

L'abbé Pierre, dont les comportements abusifs envers les femmes remonteraient aux années 1950, se serait montré menaçant dans plusieurs lettres envers des personnes lui faisant des reproches, révèle Radio France.

Dix-sept ans après sa mort, l'abbé Pierre est au cœur d'un scandale sexuel qui entache sa fondation – qui a décidé de changer de nom – et Emmaüs. À ce jour, 24 femmes accusent le religieux de violences sexuelles, allant du baiser forcé au viol. Les premiers faits dénoncés remontent aux années 1950, au moment où la popularité de l'homme d'Église, engagé auprès des plus démunis, grimpait en flèche.

Pourtant, selon une enquête Radio France, les comportements de l'abbé Pierre étaient connus de son entourage dès cette époque. Certains proches ont tenté de l'empêcher d'agir, ce qui ne lui a pas plu. Dans plusieurs lettres, que la cellule investigation de Radio France a pu consulter, l'abbé Pierre se montre menaçant et promet des représailles en cas de révélation publique de ce qu'il décrivait alors comme des "calomnies infâmes".

Les premières attitudes déviantes de l'abbé Pierre auraient été repérées lors d'un déplacement aux États-Unis en 1955, durant lequel plusieurs femmes se seraient plaintes de son comportement, poussant le théologien catholique français, Jacques Maritain, à réclamer que ce voyage soit écourté. Suther Marshall, un étudiant américain qui accompagnait la délégation française lors de ce séjour, avait alerté l'entourage de l'abbé Pierre de son comportement. Le religieux l'avait appris et lui avait adressé une correspondance salée pour lui faire peur, lui promettant des représailles "brutales, chirurgicales" s'il réitérait ses accusations.

L'abbé Pierre "séparé physiquement" des femmes

Selon Radio France, ces situations se sont répétées dans d'autres pays, notamment au Québec. Un dispositif spécial aurait alors été mis en place pour surveiller l'abbé Pierre, afin de l'empêcher de toucher la poitrine des femmes qu'il pouvait rencontrer ou de se retrouver seul avec elles. Un ancien responsable d'Emmaüs a ainsi révélé ce que le dernier secrétaire particulier de l'abbé Pierre lui aurait rapporté : "Il se tenait prêt à intervenir pour séparer physiquement l’abbé des femmes qu'il recevait."

Emmaüs et la Fondation abbé Pierre ont dénoncé auprès de Radio France l'omerta autour des agissements de celui qui fut longtemps la personnalité préférée des Français. "Il est impossible de penser, lorsqu’on connaît les mécanismes des violences sexuelles, que de tels faits aient pu exister sans que personne ne soit informé." Ces deux organismes s'attellent désormais à faire toute la lumière sur "les dysfonctionnements qui ont permis à l’abbé Pierre d’agir comme il l’a fait pendant plus de 50 ans".

publié le 9 septembre à 09h04, Maeliss Innocenti, 6Medias

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