Grippe aviaire: les Etats-Unis en font-ils assez?
© HANDOUT, AFP - Pour la première fois, la grippe aviaire a tué un patient humain aux Etats-Unis. Plusieurs experts estiment depuis des mois que les autorités sanitaires américaines ne prennent pas assez la mesure de cette menace de santé publique
Pour la première fois, la grippe aviaire a tué un patient humain aux Etats-Unis. Au-delà de cette actualité dramatique, plusieurs experts estiment depuis des mois que les autorités sanitaires américaines ne prennent pas assez la mesure de cette menace de santé publique.
"On n'a pas vraiment fait d'effort pour limiter" la flambée de grippe aviaire au sein d'élevages bovins américains, estime auprès de l'AFP la virologue néerlandaise Marion Koopmans.
Au prix d'une nouvelle pandémie, cinq ans après l'apparition du Covid? "Cela pourrait commencer comme cela", prévient Mme Koopmans, tout en soulignant que le grand public ne doit pas s'affoler en l'état actuel des choses.
Pour l'heure, la flambée de grippe aviaire se limite en effet aux animaux. La soixantaine de cas humains enregistrés aux Etats-Unis, dont celui décédé ces derniers jours, ont été causés par une exposition directe à un animal et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS) précise bien qu'aucune transmission entre humains n'a été enregistrée.
Mais les évolutions récentes du virus H5N1, à l'origine de cette maladie, inquiètent les chercheurs. Identifié en 1996, il n'a longtemps menacé que les oiseaux, dont des millions sont morts depuis le début de l'épidémie actuelle en 2020.
Ce n'est plus le cas. Le virus circule désormais au sein des mammifères dont, depuis mars 2024, les élevages de bovins aux Etats-Unis.
Certes, le patient décédé aux Etats-Unis, un homme relativement âgé et hospitalisé depuis décembre, n'avait pas été en contact avec des bovins mais avec des oiseaux. Reste que la capacité du virus à muter pour gagner les mammifères apparaît potentiellement dangereuse, avec en ligne de mire la possible contamination un jour d'un humain à l'autre.
- Communication opaque -
Selon une étude rendue publique lundi - mais qui n'a pas été publiée par une revue scientifique et relue de manière indépendante -, les mutations du virus chez les bovins sont bien de nature à favoriser l'infection chez les êtres humains.
Pour l'un de ses auteurs, Tom Peacock, virologue à l'Imperial College de Londres, "la plus grosse erreur des Etats-Unis a été leur lente et faible réponse à l'épidémie chez les bovins".
La raison pour laquelle la grippe aviaire affecte les élevages bovins dans le pays semble être une combinaison de cette faible première réaction, une biosécurité pauvre et "l'intensification des élevages laitiers américains, qui implique beaucoup plus de déplacements d'animaux que dans le système européen", a-t-il indiqué à l'AFP.
Nombre d'experts reprochent en outre aux Etats-Unis de ne pas mener une surveillance sanitaire suffisante des élevages, et de communiquer de manière opaque sur l'épidémie en cours.
"Il y a des tonnes de données que le gouvernement actuel n'a pas rendues publiques", a regretté lundi le virologue Rick Bright, qui a tenu des responsabilités au sein des autorités sanitaires américaines, auprès du Washington Post.
L'expert appelle à autoriser le déploiement de vaccins anti-H5N1, actuellement stockés par millions aux Etats-Unis, auprès des travailleurs agricoles et d'autres publics à risque.
Les appels à agir sont d'autant plus pressants que l'administration du président Joe Biden est sur le départ avant la prise de fonction de Donald Trump qui doit faire le 20 janvier son retour à la Maison Blanche.
Or, M. Trump a choisi comme secrétaire à la Santé Robert F. Kennedy Jr. qui tient à la fois des positions anti-vaccins et favorables à la consommation de lait cru, dont on sait qu'il est facilement contaminé par le virus de la grippe aviaire.
Le gouvernement actuel semble s'être récemment montré plus prompt à agir. Il a débloqué la semaine dernière plus de 300 millions de dollars pour alimenter la surveillance et la recherche sur la flambée de grippe aviaire.
Et certains experts se refusent à lui jeter la pierre: les Etats-Unis "mènent une surveillance importante", estime auprès de l'AFP Margaret Harris, porte-parole de l'OMS. "C'est bien pour cela qu'on en entend parler."
publié le 7 janvier à 21h05, AFP