Sandrine Collette, à l'école du roman noir
© THOMAS COEX, AFP - L'autrice française Sandrine Collette lors d'une séance photo à Paris le 29 juin 2022.
Le Goncourt des lycéens reçu jeudi par Sandrine Collette consacre une écrivaine qui a percé dans la littérature dite "blanche", après des débuts dans le roman noir, pour devenir une prétendante très sérieuse aux grands prix littéraires.
Il a fallu beaucoup de travail de conviction à cette autrice de 54 ans pour séduire. Mais la puissance d'évocation de son style s'est peu à peu imposée.
Début novembre, elle a même figuré parmi les quatre finalistes du prix Goncourt, finalement remporté par Kamel Daoud avec "Houris". Un exploit pour celle qui avait initialement choisi le roman noir.
Quoique surdoué de l'écriture, Simenon, père du commissaire Maigret, l'avait compris quand il avait signé en 1937 "Le Testament Donadieu", plus long et au style plus canonique que le reste de son œuvre. Il avait été snobé par les Goncourt.
La "littérature blanche" en France, celle que récompense ce fameux prix, doit respecter des codes non écrits: maison d'édition, collection, graphisme de la couverture, thèmes, style, date de parution, etc.
Or, Sandrine Collette est entrée en littérature via Sueurs froides, une collection des éditions Denoël qui avait publié Boileau-Narcejac, auteurs phare du roman noir en France, ou encore Dashiell Hammett, légende du genre aux États-Unis.
- Vie "fichue" -
"Des nœuds d'acier", en 2013, est l'un des titres qui relancent cette collection arrêtée depuis 15 ans. Sans qu'elle le dise, Sandrine Collette y entre à contre-cœur.
"Les polars, je n'en lisais pas et ce n'est pas ce que je voulais écrire. Avec cette étiquette, je pensais que ma vie d'autrice qui débutait était fichue", confie-t-elle au Monde en 2022.
La romancière publiera pourtant là aussi ses six livres suivants. Et elle établira une solide réputation.
"Ce qu'on appelle une voix unique dans le paysage du polar français", écrit Le Monde. Le quotidien loue en particulier "trente premières pages absolument flamboyantes" dans le septième, "Animal" en 2019.
Son parcours d'écrivain est plus tortueux qu'il n'aurait dû. Parce que cette "angoissée", comme elle l'avoue aisément, a osé soumettre ses écrits sur le tard, à la quarantaine.
Docteure en science politique, chargée de cours à l'université de Nanterre, elle était peu intéressée par les rares places de titulaire de l'enseignement supérieur. Elle a bifurqué vers des métiers administratifs, sans jamais abandonner ses deux passions d'enfance: les chevaux, et l'écriture.
Cette rurale contrariée, qui a quitté son village de la Nièvre pour finalement y revenir, fait partie, avec Pierric Bailly ou Serge Joncour, de la cohorte d'écrivains qui écrivent sur l'implacable force exercée par le milieu naturel sur les humains.
- "Grande froussarde" -
Elle se réinvente chez une autre maison d'édition, JC Lattès, à partir de 2020 et de son roman "Et toujours les forêts".
Ce récit post-apocalyptique, "aussi dérangeant que poignant" selon Le Figaro, récolte le prix de la Closerie des Lilas et le Grand Prix RTL/Lire. Ça y est, Sandrine Collette est autrice de littérature blanche. "Un heureux malentendu", dit-elle aujourd'hui.
En 2022, "On était des loups" entre dans la première sélection du prix Femina et parvient parmi les six finalistes du prix Renaudot. Il reçoit aussi le prix Jean-Giono.
La maîtrise de ses intrigues, ingrédient indispensable du noir, a souvent frappé les jurys.
"J'ai besoin d'avoir un canevas, c'est-à-dire de savoir d'où je pars et savoir où j'arrive, ceci pour me donner un fil, et donc une tension", décrivait-elle à Femme Actuelle.
"Je travaille beaucoup mes atmosphères. Je pense que l'émotion passe par les atmosphères. Mon univers, c'est celui du noir et c'est celui de la peur. C'est celui de la survie", poursuivait-elle. "Pour trouver l'adrénaline, je vais chercher la peur, avec une facilité qui est que moi-même, dans la vie, je suis une grande froussarde".
publié le 28 novembre à 17h45, AFP