Politique

A la peine, Macron ressort la carte du référendum

Le président Emmanuel Macron lors de ses voeux télévisés du 31 décembre 2024

© Kiran RIDLEY, AFP - Le président Emmanuel Macron lors de ses voeux télévisés du 31 décembre 2024

En 2025, "je vous demanderai" de "trancher" certains "sujets déterminants": par cette formule, délibérément vague, Emmanuel Macron a relancé l'option du référendum, souvent évoquée voire promise depuis 2017 mais jamais mise en oeuvre. Une tentative de reprendre la main pour un président affaibli comme jamais.

- Qu'a dit le chef de l'Etat? -

Dans ses voeux du Nouvel-An mardi soir, Emmanuel Macron n'a pas prononcé le mot "référendum". Evoquant la nécessité de préparer le pays aux défis du prochain quart de siècle, il a souligné les "choix à faire pour notre économie, notre démocratie, notre sécurité, nos enfants".

C'est apparemment sur un ou plusieurs de ces sujets aussi "déterminants" que vastes qu'il entend demander l'avis des Français.

De quelle manière? Son entourage reconnaît que cela ne peut se faire que par un référendum ou alors par la piste, moins ambitieuse, d'une nouvelle convention citoyenne, après celles sur le climat et la fin de vie. Mais l'Elysée refuse d'en dire davantage sur les intentions présidentielles.

- Est-ce nouveau? -

Macron et le référendum, c'est en fait un serpent de mer: il en a souvent parlé depuis qu'il est entré à l'Elysée il y a bientôt huit ans, sans jamais y recourir.

Dès l'été 2017, à peine élu, il avait envisagé de soumettre aux électeurs une vaste réforme des institutions qui n'aboutira finalement jamais. En 2019, alors qu'il tente de s'extirper de la crise des gilets jaunes, il caresse aussi pareille consultation sur des solutions nées du grand débat national, mais ne passe pas à l'acte.

Rebelote à la fin du premier quinquennat, lorsqu'il promet un référendum sur l'introduction de la défense de l'environnement dans la Constitution, à l'issue d'une convention citoyenne sur le climat: il doit finalement y renoncer faute d'accord entre l'Assemblée nationale et le Sénat, censés voter dans les mêmes termes une révision constitutionnelle avant qu'elle soit définitivement adoptée.

Lors du second quinquennat, privé de majorité absolue, Emmanuel Macron réunit les forces politiques en quêtes de compromis, et prévoit de soumettre à référendum certains projets qui émaneront de ces discussions.

Alors que la droite et l'extrême droite réclament un vote sur l'immigration, il propose même de modifier l'article 11 de la Constitution afin de le rendre possible en élargissant le champ du référendum aux "questions de société" qui en sont pour l'heure exclues. Mais l'idée est abandonnée faute de consensus.

- Un référendum sur quoi? -

En l'état, cet article 11 restreint donc les sujets qui pourraient faire l'objet d'une consultation électorale en 2025. Exit l'immigration, mais aussi la légalisation d'une forme d'euthanasie, autre question fréquemment évoquée.

"Dès lors que les questions sociétales sont exclues, il n'y a pas tellement de sujets consensuels pour un référendum", explique à l'AFP le constitutionnaliste Benjamin Morel, qui n'envisage pas que le chef de l'Etat interroge les Français sur les retraites, comme l'a longtemps demandé la gauche, tant le risque de désaveu est fort.

Les électeurs pourraient donc être appelés à trancher des sujets "pas très concernants", estime-t-il.

Dans le camp présidentiel, certains ont évoqué ces derniers temps un possible référendum pour instaurer la proportionnelle aux élections législatives. Le Premier ministre François Bayrou, partisan de longue date d'un tel mode de scrutin, n'y est pas opposé, selon une source gouvernementale. Mais il n'est pas certain que les électeurs se déplaceraient en masse sur une question si éloignée de leurs préoccupations quotidiennes.

- Un pari risqué? -

Aucun référendum n'a été organisé en France au niveau national depuis 20 ans -- alors qu'il y en avait eu jusque-là neuf sous la Ve République née en 1958. Et pour cause: le dernier, celui de 2005 sur un projet de Constitution européenne, s'est soldé par une victoire du "non" qui a traumatisé la classe dirigeante.

Si Emmanuel Macron ressort cette carte, c'est qu'il n'a plus beaucoup d'atouts en poche. Depuis qu'il a dissous l'Assemblée, et perdu les législatives dans la foulée, il est privé d'une grande part de son pouvoir et cherche une manière de reprendre la main, selon de nombreux macronistes.

Mais la tendance de plus en plus "plébiscitaire" du référendum serait un "danger" pour Emmanuel Macron, relève Benjamin Morel. "L'opposition en ferait immédiatement un plébiscite pour ou contre lui", prédit-il, et sa popularité étant au plus bas, le risque de défaite serait élevé.

Le précédent de 1969, quand le général de Gaulle démissionna après avoir essuyé un "non" référendaire, planerait alors sur le chef de l'Etat. "Si on devait avoir un référendum raté aujourd'hui, ça augmenterait les appels à la démission d'Emmanuel Macron. et donc ce serait un outil d'instabilité", affirme le constitutionnaliste.

publié le 1 janvier à 16h39, AFP

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