L'ultra-trumpiste Matt Gaetz à la Justice, une nomination qui a du mal à passer
De toutes les personnes sélectionnées cette semaine par Donald Trump pour son futur gouvernement, Matt Gaetz, appelé à devenir ministre de la Justice, est celle qui suscite le plus de réserves ou de rejet, chez les démocrates et même certains républicains. En voici les raisons.
- Ses qualifications en doute
Matt Gaetz, 42 ans, est sorti diplômé en droit en 2007 de la William & Mary Law School, classée au 36e rang des universités de droit aux Etats-Unis. C'est-à-dire bien loin des établissements les plus réputés comme Harvard, Yale ou Stanford qui forment l'élite des juristes du pays.
Le fidèle lieutenant de Donald Trump n'a que brièvement travaillé dans un cabinet d'avocat et n'a aucune expérience de procureur.
Or le "Department of Justice" est un organe fédéral tentaculaire, comptant plus de 115.000 employés et une quarantaine d'organisations, dont un puissant parquet et le FBI. Il a des bureaux dans tous les Etats américains et plus de 50 pays.
En comparaison de Matt Gaetz, l'actuel ministre ou "Attorney General", Merrick Garland, est diplômé de Harvard avec une carrière brillante: il a été procureur fédéral puis magistrat, présidant la cour d'appel fédérale de Washington, une instance réputée pour l'importance des dossiers qui y passent.
En 2016, il a même été nommé à la Cour suprême par Barack Obama, les républicains bloquant ensuite sa confirmation à la haute cour.
Donald Trump assure cependant que son poulain est un "juriste tenace et extrêmement doué".
Selon Politico jeudi, le vainqueur de la présidentielle a pris sa décision de nommer Matt Gaetz mercredi dans son avion en route vers Washington, sans même que sa future directrice de cabinet, la chevronnée Susie Wiles, soit mise au courant.
- Les enquêtes à son passif
Matt Gaetz, un représentant de Floride régulièrement classé à l'extrême droite, ne renvoie pas l'image de probité attendue pour superviser l'appareil judiciaire des Etats-Unis.
Il est accusé d'avoir eu une relation sexuelle avec une jeune fille de 17 ans, allégation qu'il a récusée en se disant victime de l'establishment.
Ces faits présumés ont déclenché une enquête pour exploitation sexuelle de mineure, diligentée par des procureurs relevant du ministère de la Justice qu'il pourrait justement diriger. Cette enquête a débouché sur un non-lieu, a assuré l'élu en 2023.
Mais Matt Gaetz est visé par d'autres investigations, menées cette fois par la commission d'éthique de la Chambre des représentants, pour infractions sexuelles présumées, consommation illégale de stupéfiants, détournement de fonds de campagne et diverses fautes professionnelles.
Il a démissionné mercredi soir de la Chambre des représentants, faisant ainsi tourner court cette enquête. John Clune, l'avocat de l'adolescente, a déploré cette clôture abrupte.
"Nous demandons que la commission d'éthique de la Chambre rende immédiatement public son rapport d'enquête. Elle était lycéenne et il y a eu des témoins", a-t-il écrit sur X.
Dick Durbin, sénateur démocrate de l'Illinois, a également souhaité que le rapport soit dévoilé.
- Une personnalité qui divise
Les nombreux détracteurs de Matt Gaetz l'accusent de montrer davantage d'intérêt dans les joutes contre ses opposants démocrates que dans sa mission de législateur. C'est lui qui, en octobre 2023, a précipité la chute du président républicain de la Chambre des représentants d'alors, Kevin McCarthy.
Matt Gaetz a perturbé à de nombreuses reprises des travaux parlementaires, jouant un rôle de trublion assumé.
En 2018, il avait invité un négationniste au Capitole pour entendre le discours sur l'Etat de l'Union de Donald Trump.
En mars 2020, il s'était présenté dans l'hémicycle le visage recouvert d'un masque à gaz pour protester contre les mesures anto-Covid en débat à la Chambre.
En 2021, il avait été suspendu par le barreau de Floride pour des arriérés de cotisations, puis rétabli par la suite.
Tout cela augure d'un processus de confirmation probablement houleux au Sénat. Susan Collins, une sénatrice républicaine du Maine, s'est ainsi dite "choquée" par l'annonce de sa nomination.
Une autre sénatrice républicaine, Lisa Murkowski, a également clairement manifesté ses doutes. "Je ne pense pas que cela soit une nomination sérieuse pour (le poste de) ministre de la Justice", a-t-elle dit aux journalistes.
publié le 14 novembre à 19h09, AFP