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A Tbilissi, le mouvement pro-UE affiche sa diversité pour durer

Des manifestants pro-UE, à Tbilissi en Géorgie, le 15 décembre 2024

© Vano SHLAMOV, AFP - Des manifestants pro-UE, à Tbilissi en Géorgie, le 15 décembre 2024

Supporters du Real ou du Barça, déplacés des régions séparatistes, artistes ou intellos: à Tbilissi, les manifestants pro-UE affichent leur pluralité en défilant par petits groupes, unis dans leur bras-de-fer avec le gouvernement géorgien, accusé de dérive autoritaire.

Dimanche après-midi, une centaine de fans du Real Madrid et du FC Barcelone, reconnaissables à leurs écharpes et t-shirts, s'élancent de la Philharmonie pour rallier le Parlement.

Un Clasico en vue? Non. "Nous protestons ensemble contre notre gouvernement pro-russe", explique à l'AFP Giorgi Mantidze, un drapeau du Barça sur les épaules.

Leur passion pour les deux grands d'Espagne n'a pas grand-chose à voir avec la crise politique que traverse ce pays du Caucase depuis que le parti qui le dirige, Rêve géorgien, a revendiqué la victoire aux législatives du 26 octobre - qualifiées de truquées par l'opposition - et que le gouvernement a décidé fin novembre de suspendre jusqu'en 2028 toute négociation d'adhésion à l'UE.

Mais puisque "les fans du Barça et du Real Madrid ont l'habitude de s'affronter", souligne Ana Tepnadze, 18 ans, supportrice du Barça - tandis que sa mère penche pour le Real -, ils montrent ici qu'ils "aiment (leur) pays au-dessus de n'importe quel club".

"Notre pays a besoin d'unité. C'est donc, pour nous, une sorte de vitrine pour donner l'exemple aux autres", abonde Shota Natenadze, 29 ans, qui brandit son écharpe du Real.

Étudiants d'écoles de commerce, artistes, archéologues ou même vétérinaires: ce dimanche, une dizaine de groupes rassemblant des manifestants sous une identité spécifique ont défilé dans les rues de la capitale.

Leur point de ralliement reste le Parlement, symbole du pouvoir accusé de vouloir remettre la Géorgie dans l'orbite de Moscou. Et de leur demande de nouvelles élections.

- Costume médiéval -

Ingénieur dans l'intelligence artificielle, Shota Natenadze était déjà là, vendredi, avec d'autres Géorgiens travaillant dans son secteur.

Une façon de montrer la "pluralité et la diversité" de personnes qui "malgré leur différence d'opinion, peuvent se lever pour un but commun", souligne-t-il.

Des déplacés d'Abkhazie, une province séparatiste dont Moscou reconnait l'indépendance et où elle maintient une présence militaire depuis une courte mais sanglante guerre avec la Géorgie en 2008, scandent les noms des villes de leur région comme faisant partie du territoire géorgien.

A quelques mètres de là, Akaki Makatsaria, 27 ans, venu avec le groupe des artistes, détonne avec son casque médiéval, son gilet en cuir clouté et ses brassards d'armure de "style byzantin".

"Le gouvernement illégitime dit qu'il est le seul à défendre la culture géorgienne, que l'Europe est remplie de dégénérés qui veulent détruire la culture géorgienne", mais il ne fournit "aucun soutien" pour "la protection de la culture historique de la Géorgie", affirme cet adepte de la reconstitution historique.

- "Jeu d'identification" -

Plus discrète, Nino Kavshbaia, 25 ans, est venue avec les adeptes du jeu télévisé "Quoi? Où? Quand?", créé en URSS dans les années 1970 et considéré comme un hobby d'intellectuels.

Vendredi, au premier jour de ces petits rassemblements éparpillés dans la capitale, c'est avec ses confrères que cette avocate a manifesté.

Pour celle qui "essaye d'être ici tous les jours", ce "petit jeu d'identification" rend l'exercice "intéressant".

Car il faut se remotiver après plus de deux semaines de protestations quotidiennes qui n'ont pas jusqu'ici provoqué d'infléchissement du pouvoir.

Celui-ci a fait arrêter plusieurs leaders de l'opposition et a juré d'écraser, si besoin avec la force, un mouvement qu'il accuse d'être fomenté depuis l'étranger.

La police a interpelé plus de 400 personnes, dont la majorité a affirmé avoir subi des violences, selon l'ONG Social Justice Centre, qui fournit une aide juridique aux détenus.

Drapé dans son drapeau du Barça, Giorgi Merebashvili estime qu'il est "important de diversifier" le mouvement pour plus de "flexibilité". Ainsi, la police "ne peut pas maîtriser toutes les petites manifestations dans la ville", dit-il.

Pour durer, résume cet employé dans la high-tech, les opposants doivent "trouver de nouvelles méthodes".

publié le 15 décembre à 20h18, AFP

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