Jusqu'à huit ans de prison requis pour l'escroquerie "Carton rouge"
Jusqu'à huit ans de prison ont été requis mardi à Nancy au procès de "l'exceptionnelle" escroquerie aux diamants et aux cryptomonnaies dite "Carton Rouge", des peines insuffisantes selon les victimes.
Les peines demandées par le procureur Vincent Legaut varient de quelques mois à huit ans d'emprisonnement à l'encontre de Mickaël I., vu comme "le chef" de l'organisation de malfaiteurs, qui faisaient miroiter des rendements phénoménaux au téléphone ou via l'internet à leurs victimes, invitées à investir dans des diamants ou des cryptomonnaies.
Le magistrat a aussi requis un mandat d'arrêt à son encontre, l'homme de 47 ans étant en fuite.
Le procureur a réclamé une peine "suffisamment significative pour qu'elle soit prise en compte dans le calcul coût/avantages" pour les personnes qui réfléchiraient à se lancer dans des escroqueries depuis Israël, avec le soutien opérationnel de main d'oeuvre en France.
Plusieurs mis en cause, notamment ceux considérés comme des "têtes pensantes", sont en fuite en Israël.
Six ans de prison et un mandat d'arrêt ont été requis à l'encontre d'un autre absent, Youval T., qui a selon M. Legaut "une plus large implication" que d'autres dans l'organisation. La même peine a été demandée à l'encontre de Fabrice H., "chef du bureau de Marseille" de l'organisation, et cinq ans à l'encontre de Yoni J., présenté comme "l'associé" de Mickaël I.
Ce dossier d'escroqueries commises entre 2016 et 2019 est "exceptionnel" par le nombre de victimes, plus de 1.300, le préjudice de 28 millions d'euros mais aussi par le vaste réseau transitant entre Marseille et Israël mis au jour durant l'instruction, a souligné M. Legaut.
Il a regretté "l'absence totale d'empathie" ou de "prise de conscience des conséquences de leurs actions" de plusieurs prévenus lors des trois semaines de procès.
- Réquisitions "trop légères" -
Pourtant, ces escroqueries ont consisté en un "préjudice considérable pour les victimes", ce que les prévenus "n'ont pas entendu", aucun des 22 n'étant présent la semaine dernière pour les plaidoiries des avocats de la partie civile. Ils ne sont que cinq, mardi, à avoir fait le déplacement pour écouter les réquisitions.
Une quarantaine de victimes étaient présentes. Plusieurs d'entre elles ont exprimé leur déception, estimant que les peines requises étaient "trop légères". "Il aurait fallu qu'ils frappent fort", sinon les escroqueries "ne finiront jamais", a regretté Martine, venue du Jura, préférant taire son patronyme.
Serge Cardis, qui a assisté à l'ensemble du procès, a l'espoir que "le président double les peines" proposées par le ministère public.
Le dossier a demandé un travail d'enquête "phénoménal", a reconnu Martine, qui voudrait que les sanctions soient elles-aussi "à la hauteur de ce qu'on attend".
"Plus de 200 comptes" bancaires ont été mis au jour dans 19 pays, ainsi que 27 sites internet servant de support aux escroqueries: les victimes laissaient leurs coordonnées sur ces sites créés à Marseille pour obtenir davantage de renseignements, et étaient recontactées par de faux agents commerciaux depuis des centres d'appels en Israël.
Le procureur a requis à l'encontre de deux prévenus, informaticiens, qui ont créé ou alimenté ces sites, des peines allant de 30 mois de prison, dont 18 avec sursis, à cinq ans dont trois avec sursis.
Le procureur a requis deux ans de prison à l'encontre de l'un des appelants, Emmanuel F, qui a reconnu avoir appelé des clubs de football professionnels pour détourner les salaires de joueurs en 2017 (trois clubs ont été escroqués, pour une soixantaine de milliers d'euros).
- "Conditionnement psychologique" -
Les faux commerciaux étaient formés au "conditionnement psychologique" dans les centres d'appels israéliens. "Des pages et des pages" de documents ont été remis aux employés pour "crédibiliser" des rendements extraordinaires, souligne M. Legaut.
"Cinquante à 70 adresses courriel de commerciaux" ont aussi été créées, a souligné M. Legaut, "ce qui en dit long sur la force de vente des escrocs depuis Israël".
D'autres prévenus ont servi de prête-nom pour ouvrir des sociétés ou des comptes en banque. Des peines aménageables de quelques mois de prison dont une partie avec sursis ont été demandées à leur encontre.
L'interdiction de gérer des sociétés a été proposée, définitivement ou pour au moins 10 ans, par le procureur à l'encontre de l'immense majorité des prévenus.
Le procès doit durer jusqu'à vendredi, mais la décision n'est attendue que dans plusieurs mois.
publié le 12 novembre à 20h14, AFP