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Namibie: la Haute cour invalide une loi criminalisant les relations homosexuelles

  • Parade pour les droits de LGBT+ à Windhoek, le 29 juillet 2017 en Namibie
    ©Hildegard Titus, AFP - Parade pour les droits de LGBT+ à Windhoek, le 29 juillet 2017 en Namibie
  • Parade pour les droits de LGBT+ à Windhoek, le 29 juillet 2017 en Namibie
    ©Hildegard Titus, AFP - Parade pour les droits de LGBT+ à Windhoek, le 29 juillet 2017 en Namibie

La loi héritée de la période coloniale criminalisant les relations homosexuelles en Namibie a été invalidée vendredi par la Haute Cour de ce pays d'Afrique australe, une décision saluée par la communauté LGBTQ+ confrontée depuis un an à des marques d'intolérance croissante selon les ONG.

"Le délit de sodomie est déclaré anticonstitutionnel et invalide", a souligné la Haute cour de la capitale namibienne Windhoek dans son jugement. Elle a aussi jugé contraire à la Constitution "les délits de sexe contre nature". Elle avait été saisie par un militant namibien LGBTQ+.

"Nous ne sommes pas persuadés que, dans une société démocratique comme la nôtre (...) il soit raisonnablement justifiable de considérer une activité comme criminelle, uniquement parce qu'une partie, ou peut-être une majorité des citoyens, ne l'acceptent pas", ont considéré les juges.

Leur décision peut faire l'objet d'un recours en appel devant la Cour suprême.

La loi sur la sodomie visant les homosexuels datait de 1927, lorsque la Namibie était sous mandat sud-africain. Elle n'avait pas été modifiée depuis l'indépendance en 1990, mais était rarement appliquée.

"Grâce à cette décision, je ne me sens plus traité comme un criminel dans mon propre pays, simplement à cause de qui je suis", s'est réjoui le plaignant Friedel Dausab, dans un communiqué de l'association Human Dignity Trust qui soutenait l'action en justice.

"C'est un jour magnifique pour notre démocratie, notre pays et notre Constitution", a-t-il ajouté auprès de l'AFP.

Il demandait l'annulation de toutes les condamnations antérieures prononcées en vertu de ces lois, rapportait Amnesty International dans un communiqué mercredi, estimant que "la Namibie connaît un fort recul anti-LGBTI depuis un an, principalement sous l'impulsion de croyances et de leaders religieux".

Une représentante du ministère de la Justice, Gladice Pickering, a déclaré que le gouvernement étudiait le jugement et n'avait aucun commentaire à faire à ce stade.

- Inquiets d'un "backlash" -

A l'annonce de la décision, la joie des militants était visible sur les photos mises en ligne par le groupe de défenseurs des droits Equal Namibia, montrant aussi des dizaines de militants massés devant le tribunal avec des pancartes clamant "Décolonise ma sexualité" ou "Vire la loi de ma vie amoureuse".

L'ONG Human Dignity Trust, basée à Londres, a salué une décision "historique" contre la stigmatisation et la discrimination. "La communauté LGBTQ+ de Namibie peut maintenant envisager l'avenir sous un jour meilleur", a estimé sa directrice générale Tea Braun.

"Victoire significative", a salué pour sa part le programme des Nations Unies de lutte contre le VIH/sida Onusida, qui y voit "une étape clé vers une Namibie plus inclusive".

La décision intervient dans un contexte d'intolérance croissante envers les LGBTQ+ en Afrique australe. Les efforts pour améliorer leurs droits ont suscité des manifestations au Malawi et au Botswana.

En mai 2023, la Cour suprême namibienne s'est prononcée en faveur d'une reconnaissance de certaines unions entre personnes de même sexe contractées à l'étranger, suscitant la colère des conservateurs de ce pays peu peuplé et majoritairement chrétien.

Le Parlement a réagi en adoptant en juillet 2023 une loi interdisant le mariage entre personnes de même sexe, en attente de ratification par le président.

Elle définit le "mariage" comme une union "entre personnes de sexes opposés" et empêche la reconnaissance légale des mariages homosexuels conclus à l'étranger.

Le jugement de vendredi suscitera-t-il aussi des réactions négatives ? "Nous n'étions pas inquiets de savoir si nous allions gagner ou perdre, mais du +backlash+ des leaders politiques... et des extrémistes religieux", a déclaré Omar van Reenen, d'Equal Namibia.

"Les autorités doivent garantir la sécurité des personnes LGBTI en Namibie et demander des comptes à quiconque viole leurs droits", a insisté Amnesty International.

Seuls quelques Etats africains ont dépénalisé les relations homosexuelles et l'Afrique du Sud est le seul pays du continent où le mariage homosexuel est légal (depuis 2006).

publié le 21 juin à 16h29, AFP

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