En Corée du Sud, le président Yoon face à une nouvelle motion de destitution
Le président sud-coréen, Yoon Suk Yeol, fait face samedi pour la deuxième fois à une motion de destitution devant les députés pour sa tentative ratée d'imposer la loi martiale et de faire museler le Parlement par l'armée le 3 décembre.
Des milliers de manifestants sont attendus devant l'Assemblée nationale à Séoul, au moment du vote des députés prévu à 16H00 (07H00 GMT), pour exiger le départ de l'impopulaire chef de l'Etat conservateur, parallèlement visé par une enquête pour "rébellion" et qui a interdiction de quitter le pays.
Les organisateurs ont promis de distribuer des repas aux manifestants pour leur remonter le moral malgré les températures glaciales. Et la chanteuse de K-pop Yuri, du groupe Girl's Generation, dont la chanson "Into the New World" est devenue un hymne de protestation, a annoncé avoir payé à l'avance des aliments pour les participants au rassemblement.
"Restez en sécurité et prenez soin de votre santé", a-t-elle écrit sur une plateforme de discussion.
Le 7 décembre, une première motion de destitution présentée par l'opposition avait échoué, la plupart des députés du Parti du pouvoir au peuple (PPP) de M. Yoon ayant quitté l'hémicycle avant le vote pour empêcher le quorum d'être atteint.
Pour être adoptée, la motion doit recueillir au moins 200 voix sur 300. L'opposition menée par le Parti démocrate compte 192 sièges, et le PPP 108. Les adversaires de M. Yoon doivent donc faire basculer au moins huit députés du PPP dans leur camp pour obtenir sa chute.
- Vote sur le fil -
Vendredi, sept députés du PPP avaient déjà publiquement dit qu'ils voteraient pour la destitution, promettant un scrutin serré.
Si la motion passe, M. Yoon sera suspendu de ses fonctions en attendant que la Cour constitutionnelle valide sa destitution. L'intérim sera assuré par le Premier ministre Han Duck-soo.
La Cour aura 180 jours pour se prononcer. Seuls six de ses neuf juges étant en fonctions - trois autres ont pris leur retraite en octobre et n'ont pas été remplacés à cause du blocage politique en cours - il leur faudra se prononcer à l'unanimité.
Si la Cour confirme la destitution, M. Yoon, 63 ans, deviendra le deuxième président de l'histoire de la Corée du Sud à subir ce sort, après Park Geun-hye en 2017. Mais il existe aussi un précédent de destitution votée par le Parlement puis invalidée deux mois plus tard par la Cour constitutionnelle: celle de Roh Moo-hyun en 2004.
Le chef du Parti démocrate, Lee Jae-myung, a exhorté les députés du PPP à se rallier à sa cause, invoquant leur responsabilité face à l'histoire.
- "L'histoire se souviendra" -
"Ce que les législateurs doivent protéger, ce n'est ni Yoon ni le parti au pouvoir (...) mais la vie de tous les gens qui protestent dans les rues glaciales", a lancé M. Lee vendredi. "L'histoire se souviendra de votre choix".
Pendant ce temps, le filet policier se resserre sur le président et ses proches collaborateurs. Vendredi, le parquet a annoncé l'arrestation du chef du commandement militaire de Séoul, et le tribunal du district central de Séoul a lancé des mandats d'arrêt contre le chef de la police nationale et le chef de la police de la capitale, citant un "risque de destruction de preuves".
L'ancien ministre de la Défense Kim Yong-hyun, considéré comme la personne ayant poussé le président à imposer la loi martiale, avait été le premier a être arrêté le 8 décembre. Il avait tenté deux jours plus tard de se suicider en détention.
Yoon Suk Yeol avait sidéré la Corée du Sud dans la nuit du 3 au 4 décembre en instaurant soudainement la loi martiale, une première en plus de quatre décennies dans le pays, et en envoyant les forces spéciales de l'armée au Parlement pour essayer d'empêcher les députés de se réunir.
Mais 190 élus avaient tout de même réussi à entrer dans le bâtiment, parfois en escaladant les clôtures. Ils avaient voté à l'unanimité une motion exigeant la levée de la loi martiale, pendant que leurs assistants empêchaient les soldats de faire irruption dans l'hémicycle en barricadant les portes à l'aide de tables, de chaises et de canapés.
Le président avait finalement obtempéré, abrogé la loi martiale proclamée seulement six heures plus tôt et renvoyé les soldats dans leurs casernes.
Selon un sondage Gallup publié vendredi, la cote de popularité de Yoon Suk Yeol atteint un plus pas historique de 11%, et 75% des personnes interrogées souhaitent qu'il soit destitué.
publié le 14 décembre à 02h01, AFP