Courtisés ou instrumentalisés? Ces Latinos frustrés de la campagne américaine
"La presidenta": en banlieue d'Atlanta, des militants démocrates d'une ONG affichent fièrement ces mots en espagnol dans l'espoir de convaincre des Latino-américains encore indécis de voter pour Kamala Harris le 5 novembre, en tablant de plus en plus sur la rhétorique violente du camp républicain.
Directrice adjointe de Galeo Impact Fund, qui incite les Latinos à s'engager davantage, Elisa Covarrubias ne décolère pas après les propos insultants et racistes de l'humoriste Tony Hinchcliffe qualifiant Porto Rico d'"île flottante d'ordures au milieu de l'océan", dimanche lors d'un meeting de Donald Trump.
"C'est très insultant pour les Portoricains citoyens de ce pays", se désole Elisa Covarrubias, elle-même originaire de cette île des Caraïbes qui est un territoire des Etats-Unis.
"C'est horrible d'être insultés comme ça dans un meeting de quelqu'un qui veut être président", poursuit-elle, parlant d'une "grande erreur politique" contre une communauté qui "regarde et écoute".
Ces dernières semaines, les militants de Galeo Impact Fund se mobilisent pour inciter les communautés hispaniques à voter pour Kamala Harris partout où l'équipe de campagne de la candidate démocrate n'est pas allée en Géorgie (sud-est), un des Etats qui seront décisifs le 5 novembre.
Le vote des Latinos a été prisé à un moment de la campagne mais à une semaine de la présidentielle, nombre d'entre eux estiment avoir été, sinon insultés, souvent négligés alors que, majoritairement démocrates, certains penchent de plus en plus pour le républicain Donald Trump.
Dans un scrutin qui s'annonce comme le plus serré de l'histoire moderne des Etats-Unis, plus de 36 millions de Latinos pourront voter, sur un total d'environ 244 millions d'électeurs.
- "Manque d'investissement" -
Cet électorat "peut être celui qui fait pencher la balance", fait valoir Rodrigo Dominguez-Villegas, directeur du Latino Data Hub de l'Université de Californie à Los Angeles.
Un rôle d'autant plus important qu'il pèse lourd dans des Etats clés comme la Géorgie, l'Arizona ou le Nevada. Pourtant, au-delà de quelques discours et apparitions dans des médias hispanophones, les candidats ont fourni peu d'efforts pour séduire cet électorat, constate Rodrigo Dominguez-Villegas.
"Il y a peu de profils, peu de stratèges politiques d'origine latino et un manque d'investissement", insiste l'expert, qui déplore aussi la tendance des deux partis à concevoir ces communautés diverses comme un seul bloc monolithique.
Pour combler cette carence, les militants de Galeo Impact Fund invitent souvent les électeurs latinos autour de tacos pour parler de politique, à l'instar de Jeanette Bowden. D'origine portoricaine elle aussi, cette native de New York soutient déjà Kamala Harris, qu'elle juge plus à même de réduire les tensions et les inégalités dans le pays.
"Je suis fière d'être Latina", lance à l'AFP cette femme de 48 ans qui travaille dans une association luttant contre les violences envers les femmes. "Je suis contente qu'il y ait cette pression sur nous et qu'on puisse jouer un rôle décisif dans cette élection".
- "Guerre personnelle" -
Comme elle, environ 56% des Latinos soutiennent Kamala Harris contre 37% pour Donald Trump, selon un récent sondage du New York Times, qui souligne toutefois que cette marge a diminué par rapport aux précédents scrutins présidentiels.
Après 27 ans aux Etats-Unis, Angel Ozuna pourra enfin voter pour le prochain hôte de la Maison Blanche. Cet homme de 50 ans d'origine mexicaine, récemment naturalisé américain, penche plutôt pour Donald Trump.
Dans la parfumerie d'un centre commercial d'Atlanta où il travaille, Angel Ozuna compte sur le candidat républicain pour, dit-il, améliorer l'économie et lutter contre l'immigration illégale.
Nombreux Latinos votant pour Donald Trump mettent en avant ce thème central de la campagne républicaine, qui n'a pas manqué de présenter les nouveaux arrivants comme des "criminels" ayant plus de droits et volant le travail des immigrés déjà installés.
Mais la rhétorique violente des trumpistes, notamment les attaques ad hominem contre Kamala Harris, a un peu refroidi Angel Ozuna. Lui qui aurait voulu que les candidats abordent le fond des préoccupations des électeurs regrette que la campagne ait tourné à la "guerre personnelle".
publié le 30 octobre à 08h50, AFP