Pesticides: la justice déboute une ancienne fleuriste après le décès de sa fille
© LOIC VENANCE, AFP - Pesticides: la justice déboute une ancienne fleuriste après le décès de sa fille
La cour d'appel de Rennes a débouté mercredi les parents d'une fillette morte d'une leucémie liée à l'exposition aux pesticides de sa mère, alors fleuriste, pendant sa grossesse: ils réclamaient une indemnisation spécifique pour le préjudice subi par leur fille.
Laure Marivain a été exposée dès ses 20 ans à de nombreux herbicides dans le cadre de sa profession de fleuriste et grossiste en fleurs, en nettoyant des taches bleues et jaunes sur les plantes recouvertes de pesticides importées de l'étranger qu'elle réceptionnait en grande quantité.
Sa fille Emmy est décédée d'une leucémie en mars 2022 à 11 ans et demi.
Début avril 2022, ses parents saisissaient le Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP). Ce fonds est chargé notamment d'indemniser "les enfants exposés aux pesticides pendant la période prénatale" à cause du métier de leurs parents et ayant développé une pathologie.
Ils ont obtenu en juillet 2023 la reconnaissance par le FIVP du lien entre l'exposition aux pesticides et la leucémie, qui leur a proposé une indemnisation de 25.000 euros à chacun au titre du préjudice moral, conformément au barème prévu par la législation.
Mais les parents demandaient que le préjudice subi par leur fille, ainsi que la souffrance de son frère, de sa soeur et de sa grand-mère, tous affectés par ses multiples séjours à l'hôpital et par son décès, soient également pris en compte et indemnisés.
La cour d'appel a rejeté mercredi cette demande, jugeant "irrecevables les demandes" des parents "agissant en qualité de représentants légaux de leur fille mineure".
- "Profondément accablés" -
"On est profondément accablés, moi et mon mari, par cette décision", a réagi Laure Marivain lors d'une visioconférence. "C'est un fonds qui en soit ne répare en rien", a-t-elle jugé, disant que la décision de la cour d'appel ajoutait "de la souffrance sur la souffrance".
Les parents, qui résident en Loire-Atlantique, envisagent de se pourvoir en cassation, a indiqué l'avocat de la famille, Me François Lafforgue.
Le frère, la soeur et la grand-mère d'Emmy pourront déposer une autre demande pour se faire indemniser. "Nous allons le faire dès cette semaine", a fait savoir Me Lafforgue.
La cour d'appel explique qu'elle "ne peut (...) que constater qu'aucune indemnisation n'est prévue pour la personne décédée, l'indemnisation ne visant qu'à compenser l'incidence des dommages corporels de l'enfant sur sa vie future".
Les parents "doivent donc être déboutés de leur demande de voir fixer l'indemnisation des préjudices subis (par leur fille) à hauteur de 1.310.457,09 euros".
En revanche, elle a confirmé l'indemnisation forfaitaire de 25.000 euros proposé par le FIVP.
La cour d'appel fixe en outre "l'indemnisation des frais d'obsèques à 2.500 euros".
"J'ai empoisonné ma fille", avait lâché Laure Marivain devant la cour d'appel de Rennes le 10 octobre. "Si l'on m'avait mise en garde, ma fille serait encore là."
"J'ai tenu la promesse que je lui ai faite de me battre jusqu'au bout", avait-elle poursuivi, affirmant vouloir "tout faire pour que la culpabilité change de camp".
Emmy n'est pas la seule enfant malade à la suite d'une exposition aux pesticides durant la grossesse. Selon l'association Phyto-victimes, le FIVP a étudié six dossiers au 31 décembre 2023, avec cinq avis favorables et un avis défavorable.
La décision de la cour d'appel "est une très mauvaise décision pour un fonds qui fonctionne très peu, pour très peu d'enfants", a critiqué le président de l'association, Antoine Lambert, lors de la visioconférence.
publié le 4 décembre à 18h33, AFP