Démission de la numéro 2 du gouvernement canadien sur fond de menaces douanières de Trump
Les menaces de Donald Trump d'augmenter les taxes douanières n'en finissent plus de secouer le Canada: la vice-Première ministre a surpris lundi matin en démissionnant en raison de divergences avec Justin Trudeau sur la façon de gérer la guerre économique qui se profile avec son puissant allié.
"Nous nous trouvions en désaccord sur la meilleure voie à suivre pour le Canada", au moment où le pays est confronté à "un grand défi", a écrit Chrystia Freeland, qui était également ministre des Finances, dans sa lettre de démission adressée au Premier ministre et diffusée sur X.
L'intention du président élu américain de passer les droits de douane à 25% avec ses voisins a créé une onde de choc au Canada, qui a pour premier partenaire les Etats-Unis, où partent 75% de ses exportations.
Parlant d'une possible "guerre tarifaire", elle estime qu'il "faut éviter les astuces politiques coûteuses que nous ne pouvons pas nous permettre", dans une allusion probable aux coups de pouce fiscaux accordés récemment aux particuliers par le gouvernement Trudeau.
Longtemps parmi la garde rapprochée de Justin Trudeau et même un temps pressentie pour lui succéder, cette anglophone de Toronto de 56 ans a occupé plusieurs postes de ministre depuis l'arrivée au pouvoir du libéral en 2015.
De 2015 à 2017, cette polyglotte et ancienne journaliste a été ministre du Commerce international et a supervisé la négociation réussie du Ceta, l'accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. Elle a ensuite été ministre des Affaires étrangères de 2017 à 2019, avant de devenir vice-Première ministre et la première femme à occuper la fonction de ministre des Finances.
En fin de journée, son remplaçant Dominic LeBlanc est entré en fonction, au moment où le pays annonçait un déficit de 22 milliards de dollars canadiens (15 milliards d'euros) plus élevé que prévu, pour s'établir à 62 milliards, à cause de "dépenses inattendues".
Dominic LeBlanc sera chargé notamment des négociations avec l'administration Trump et a promis de se concentrer sur ce "défi" qui l'attend. Le pays a par ailleurs annoncé lundi 1,3 milliard de dollars canadiens d'investissements pour "protéger la frontière".
Le Premier ministre Justin Trudeau, qui n'a fait aucun commentaire pendant la journée, s'est contenté lors d'une soirée devant des donateurs de son parti à Ottawa de parler d'"une journée pas facile".
Certains médias, citant des sources anonymes de son entourage, ont indiqué qu'il réfléchissait lui aussi à démissionner mais son bureau a rejeté ces allégations les qualifiant auprès de l'AFP d'"absolument inexactes".
"Elle ne manquera à personne!!!", a de son côté réagi le président élu américain Donald Trump lundi soir.
"Son comportement était complètement toxique, et pas du tout propice à la conclusion de très bons accords pour les citoyens malheureux du Canada", a ajouté le milliardaire sur son réseau Truth Social.
- "Perte de contrôle" -
Fin novembre, Justin Trudeau a fait un aller-retour surprise en Floride pour rencontrer Donald Trump et évoquer la question douanière. Depuis, il multiplie les rencontres, notamment avec les Premiers ministres des provinces, affolés par les menaces américaines.
Doug Ford, à la tête de l'Ontario, a déclaré la semaine dernière que la province pourrait en réponse couper toutes ses exportations d'électricité vers les Etats-Unis.
Mais rien ne semble indiquer jusqu'ici que Donald Trump pourrait changer sa position.
Dans ce contexte tendu, la démission de celle qui occupait le poste le plus important après celui de Justin Trudeau est une nouvelle épine dans le pied du chef du gouvernement, qui a vu lundi un autre ministre - celui du Logement, Sean Fraser - quitter le navire pour "raisons familiales".
"Ça ne peut plus durer", a réagi Pierre Poilievre, le chef des conservateurs, lors d'une conférence de presse. "Justin Trudeau a perdu le contrôle, mais il s'accroche au pouvoir."
Le Premier ministre, qui a annoncé son intention de se représenter dans les mois qui viennent, est déjà très affaibli par plusieurs récents revers politiques.
"C'est un désastre total", lâche Lori Turnbull, professeure de l'Université Dalhousie.
"Cela place le gouvernement dans un état de choc et de panique", dit-elle à l'AFP. "Je pense qu'il est beaucoup plus difficile pour M. Trudeau de rester Premier ministre, car il perd une certaine légitimité."
Les prochaines législatives doivent avoir lieu au plus tard le 20 octobre 2025, mais beaucoup d'analystes estiment que le gouvernement a peu de chances de tenir jusque-là ce qui déclencherait des élections anticipées.
publié le 17 décembre à 06h17, AFP