Réouverture de Notre-Dame: comment les organistes vont "réveiller" le grand orgue
© STEPHANE DE SAKUTIN, AFP - Le grand orgue de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 29 novembre 2024 à Paris
Samedi, "nous allons réveiller le grand orgue" de Notre-Dame, plus grand de France, qui, après sa restauration, révélera un son qui va "peut-être resplendir encore plus qu'avant", raconte à l'AFP Thierry Escaich, l'un des quatre organistes de la cathédrale, rencontré lors d'une répétition à Paris.
Après l'ouverture du portail par l'archevêque de Paris Laurent Ulrich, ce compositeur à la carrière internationale et ses trois collègues (Olivier Latry, Vincent Dubois et Thibault Fajoles) interviendront en tout début de cérémonie pour procéder en musique à la bénédiction de l'instrument.
Plus grand orgue de France par le nombre de ses jeux (115), vieux de trois siècles, il avait été épargné par l'incendie du 15 avril 2019 mais a toutefois souffert des poussières et résidus de plomb. Ses quelque 8.000 tuyaux ont dû être démontés, nettoyés, minutieusement remontés puis accordés.
Question: Comment allez-vous procéder au "réveil" du grand orgue ?
Réponse: "Réveiller un orgue, ça se fait pratiquement à chaque inauguration d'un orgue qui a été soit détruit, soit qui est nouveau. C'est un rituel compris dans un rituel de l'église, puisque on dit souvent que l'orgue est un peu l'âme de l'église.
Le grand orgue s'est tu pendant plus de cinq ans, il a été dépecé, nettoyé, harmonisé et maintenant donc il va falloir lui redonner vie et le réintégrer au sein de cette nouvelle cathédrale avec sa fraîcheur. Il va falloir faire entendre ce nouvel instrument et son nouveau son. Et donc commencer par cette bénédiction.
Concrètement, le "réveil" est un dialogue avec l'archevêque. Par huit fois, il s'adressera à l'orgue. Il commencera par dire +Eveille-toi, orgue, instrument sacré, entonne la louange de Dieu+". Chaque fois que l'invocation sera terminée, on va répondre en improvisant, par une sorte de verset (musical) commentant ce qui vient d'être dit. Il y a huit incantations au total.
Avec mes trois collègues, on jouera à tour de rôle. On va répondre, avec notre propre style, notre propre énergie, notre propre langage.
On a prévu d'improviser, chacun, des versets d'une minute trente. Ça fait partie du côté passionnant d'improvisation: la pensée musicale doit apparaître en une minute trente.
Q: Pour le grand public, ce sera la découverte d'un nouvel instrument...
R: On va essayer de faire entendre les diverses sonorités de cet instrument, parce qu'on ne les a pas entendues depuis longtemps.
Sur un orgue, les jeux correspondent aux différents instruments d'orchestre. Cet orgue-là est particulier pour la couleur inimitable de ses jeux, pour sa densité sonore. Quand vous jouez des jeux d'anches, des trompettes, des cuivres, vous avez l'impression d'avoir un orchestre wagnérien.
Là, au moment des improvisations, on va par exemple faire découvrir les jeux de fond ou d'autres couleurs, comme les cornets (timbre proche de celui de hautbois, ndlr). (Lors d'une des huit incantations), je m'efforcerai de faire entendre le côté trompettes de l'Apocalypse.
Q Vous avez déjà pu vous entraînez. Qu'avez-vous ressenti ?
R: Depuis un mois, on a pu, avec mes collègues, commencer à venir travailler, à essayer tous ses instruments. Le son est resté magnifique. Comme il a été nettoyé, il va peut-être resplendir encore plus qu'avant au sein de la cathédrale.
Quand on y est allés la première fois, seule une partie des jeux étaient harmonisés, il y avait l'imaginaire qui était là pour le reste. C'était émouvant.
publié le 3 décembre à 13h25, AFP