France

Nouvelle-Calédonie: nouvelles violences après le transfèrement en métropole de figures indépendantistes

Les violences ont repris dans la nuit de dimanche à lundi en Nouvelle-Calédonie après la mise en examen et l'incarcération en métropole de plusieurs militants indépendantistes, leur organisation exigeant leur "libération" et leur "retour immédiat".

"La nuit a été agitée et marquée par des troubles sur l'ensemble de la Grande-Terre (l'île principale, ndlr), sur l'île des Pins et Maré, nécessitant l'intervention de nombreux renforts", a rapporté le Haut-commissariat.

A Dumbéa, au nord de l'agglomération de Nouméa, les locaux de la police municipale et un garage ont été incendiés, a ajouté dans un communiqué le représentant de l'Etat dans le territoire français du Pacifique Sud.

Quatre véhicules blindés de la gendarmerie sont intervenus, a constaté un journaliste de l'AFP, tandis que des militants encagoulés, en position derrière des barricades de fortune, lançaient des projectiles vers les forces de l'ordre en les invectivant.

Un homme de 23 ans, en état "de détresse respiratoire", est décédé dans la nuit après s'être rendu sur des barrages à Nouméa, a annoncé le procureur de la République Yves Dupas.

Le parquet a ouvert une enquête, a ajouté le magistrat, précisant que la victime avait assuré à ses parents qu'elle n'avait pas été "blessée par la police".

Un automobiliste ,"contraint de faire demi-tour en raison d'un barrage édifié par des militants indépendantistes", selon les pompiers, est par ailleurs décédé dimanche soir d'un choc frontal avec un autre véhicule à Païta, dans l'agglomération de Nouméa.

- "Force doit rester à la loi" -

Ce regain de tension intervient après le transfèrement en métropole, dans la nuit de samedi à dimanche, de plusieurs figures indépendantistes calédoniennes dont Christian Tein, le porte-parole de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT).

Les autorités accusent la CCAT d'avoir fomenté les émeutes survenues à partir du 13 mai, après le vote d'un projet de loi constitutionnelle réformant le corps électoral pour le scrutin provincial prévu fin 2024.

Ce mouvement a réfuté cette mise en cause.

Le camp indépendantiste refuse cette réforme qu'il accuse de réduire le poids politique des Kanak.

Ces violences, les plus graves survenues dans l'archipel depuis les années 1980, ont fait 9 morts et des dégâts matériels considérables (incendies, destructions, pillages...), selon le dernier bilan des autorités.

Lundi, la CCAT a exigé "la libération et le retour immédiat" de ses militants pour qu'ils soient "jugés sur leur terre" et a dénoncé les "tactiques coloniales" de la France.

Arrêtés lors d'un vaste coup de filet mercredi, ses onze militants ont été mis en examen notamment pour complicité de tentative de meurtre, vol en bande organisée avec arme, destruction en bande organisée du bien d'autrui par un moyen dangereux.

Neuf d'entre eux ont fait l'objet d'un placement en détention provisoire, Christian Tein devant par exemple être incarcéré à Mulhouse-Lutterbach (Haut-Rhin).

Parmi ces neuf-là, deux ont sollicité un débat différé devant le juge, prévu mardi, dont Joël Tjibaou, l'un des fils du chef indépendantiste Jean-Marie Tjibaou assassiné en 1989.

Interrogé en marge d'un déplacement de campagne à Dijon, le Premier ministre Gabriel Attal a défendu des arrestations de "personnes qui ont été à l'origine de graves violences".

"Force doit rester à la loi, et je pense que c'est très important pour la sécurité sur place", a-t-il fait valoir.

- Réactivation du pont aérien -

"L'éloignement de responsables indépendantistes kanak de la CCAT à plus de 17.000 km de chez eux dans le cadre de leur placement en détention provisoire porte une atteinte grave à leur droit à une vie privée et familiale", a dénoncé dans un communiqué la Ligue des droits de l'homme (LDH).

Une cinquantaine de personnes ont manifesté lundi devant le centre pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach, où les grilles d'accès étaient fermées et protégées par un cordon de la gendarmerie, a constaté un correspondant de l'AFP.

"Nous sommes là pacifiquement, avec des drapeaux de la Nouvelle-Calédonie, pour manifester notre soutien à nos frères et dénoncer la politique répressive de l'Etat français contre des militants indépendantistes. Cette décision judiciaire de déportation n'est pas sans rappeler la pratique colonialiste des institutions françaises", a déclaré Joseph-Stéphane Wachoima, militant du collectif Solidarité Kanaky.

Dans la nuit de dimanche à lundi, des affrontements ont aussi opposé forces de l'ordre et indépendantistes à Bourail, à 200 km au nord de Nouméa, faisant un blessé, selon les autorités.

Le haut-commissariat a également fait état "d'exactions, destructions et tentatives d'incendies (...) à plusieurs endroits sur Païta", dans l'agglomération de Nouméa.

Au total, 1.493 personnes ont été arrêtées depuis le début des troubles, dont 38 lundi.

La route qui mène à l'aéroport était bloquée lundi en début d'après-midi en raison d'une opération de déblaiement par les forces de l'ordre, selon des journalistes de l'AFP.

Le pont aérien entre l'aérodrome de Magenta, à Nouméa, et l'aéroport international de La Tontouta, qui devait être levé totalement lundi, a été réactivé, a annoncé la chambre de commerce et d'industrie (CCI), gestionnaire de l'infrastructure.

De nombreuses écoles étaient par ailleurs fermées en raison du regain de violences et la voie express menant à l'hôpital était bloquée.

En soirée, les rues de Nouméa étaient plutôt calmes mais de nombreux axes étaient coupés par des arbres, des branchages, de gros pavés et des lampadaires au sol. Des militants cachés sur les bords de route lançaient des projectiles sur les forces de l'ordre venues déblayer, selon une journaliste de l'AFP.

Vers 02H00 du matin mardi (17H00 lundi à Paris), des points de barrage étaient reformés dans Nouméa.

publié le 24 juin à 23h07, AFP

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