Nouvelle-Calédonie: le report des élections provinciales enteriné au Parlement
© Theo Rouby, AFP - Une vue du quartier de l'Anse Vata à Nouméa, dans le territoire français du Pacifique de la Nouvelle-Calédonie, le 7 septembre 2021
Les députés ont adopté définitivement mercredi le report des élections provinciales en Nouvelle-Calédonie en novembre 2025 au plus tard, un vote à l'unanimité qui doit permettre "un nouveau départ" et la reprise du dialogue dans l'archipel, toujours plongé dans une situation sociale "dramatique" des mois après l'embrasement du printemps.
"Reporter les élections provinciales et du Congrès contribue (...) à apaiser la situation et à permettre que s'ouvre un nouvel espace de discussions, de débats et (...) au-delà de ça, de construction", a déclaré le ministre des Outre-mer François-Noël Buffet devant un hémicycle clairsemé.
Les émeutes qui ont fait 13 morts et des milliards d'euros de dégâts avaient éclaté en mai, en réaction à la volonté du gouvernement de faire adopter une réforme constitutionnelle ultrasensible sur l'élargissement du corps électoral.
Les élections devaient initialement se tenir le 15 décembre 2024. Mais après des mois d'une crise d'une "gravité exceptionnelle", selon les mots de M. Buffet, le Premier ministre Michel Barnier a annoncé le 1er octobre l'abandon de la réforme du corps électoral et le report des élections.
Après les sénateurs deux semaines auparavant, les 297 députés présents dans l'hémicycle l'ont voté à l'unanimité.
"Une nouvelle période doit maintenant s'ouvrir, consacrée à la reconstruction économique et sociale de la Nouvelle-Calédonie et la recherche d'un consensus politique concernant son avenir institutionnel", a souligné M. Buffet y voyant un "nouveau départ".
- Déplacement à Nouméa -
Corapporteur du texte débattu mercredi, le député socialiste Arthur Delaporte a pointé les "errements" du précédent gouvernement, tout en saluant la "méthode portée" par le nouvel exécutif qui a soutenu cette proposition de loi déposée par des sénateurs socialistes.
C'est fort de cette avancée législative que les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet, se rendront sur l'archipel à partir de samedi, et jusqu'au 14 novembre, pour une mission de concertation.
En Nouvelle-Calédonie, ce report fait consensus, puisque son Congrès l'avait lui-même approuvé à la quasi-unanimité fin octobre.
Ce déplacement, qui revêt une "force symbolique évidente", selon M. Delaporte, devra "contribuer à dresser la table", c'est-à-dire à "rétablir, (...) réparer ce dialogue tripartite et faire que chacune des sensibilités calédoniennes se sente écoutée".
"Dresser la table, mais pas établir le menu, ni rédiger les conclusions", a averti le corapporteur.
Il sera difficile d'éluder la sensible question de l'élargissement du corps électoral (gelé depuis 2007) au risque selon les indépendantistes de marginaliser le peuple autochtone kanak.
A ce jour, seuls les natifs du Caillou et les résidents arrivés avant 1998 peuvent participer à ce scrutin local, une situation jugée antidémocratique par le camp loyaliste.
Cette dérogation aux principes d'égalité du suffrage est jugée "excessive" par le Conseil d'Etat, faisant peser le risque d'annulation du prochain scrutin.
D'où l'urgence d'une reprise du dialogue, en vue d'un accord.
"Si un accord doit arriver, notre parlement devra le ratifier. Ne décidez pas à notre place. Faites avec nous", a enjoint le député indépendantiste de Nouvelle-Calédonie Emmanuel Tjibaou, lors des débats.
- "Emeutes de la faim" -
Plusieurs députés de la gauche ont alerté sur le sort "des prisonniers politiques kanak" incarcérés.
De son côté, le député de Nouvelle-Calédonie Nicolas Metzdorf (EPR, ex-Renaissance), rapporteur du projet de loi constitutionnelle qui avait mis le feu aux poudres, n'a pas masqué une certaine amertume: "Vous ne pouvez pas être impartial, monsieur le ministre, entre ceux qui cassent et ceux qui construisent".
Tous se sont cependant accordés sur l'urgence de la reconstruction, alors que "l'économie calédonienne est profondément atteinte", selon les mots de Florent Boudié (EPR), l'autre corapporteur du texte adopté mercredi.
La facture des émeutes est évaluée à au moins 2,2 milliards d'euros par le gouvernement calédonien, soit 25% du PIB du territoire.
"L'ensemble des acteurs locaux auditionnés (...) partagent le constat du caractère dramatique de la situation locale, allant jusqu'à craindre des émeutes de la faim dans les prochaines semaines, si rien n'était réglé", a prévenu M. Boudié.
L'Etat a annoncé mardi débloquer de nouvelles aides pour l'archipel et permettre notamment la reconstruction des bâtiments publics détruits, mais aussi le financement de son système de sécurité sociale, au bord de la faillite.
publié le 6 novembre à 19h42, AFP