Économie

Sous la pression des autorités, Glovo va salarier ses livreurs en Espagne

Livreur de Glovo, à Barcelone le 4 février 2021

© LLUIS GENE, AFP - Livreur de Glovo, à Barcelone le 4 février 2021

Au terme d'un long bras de fer avec les autorités, la plateforme de livraison à domicile Glovo a annoncé lundi changer de modèle économique en Espagne, où ses coursiers, qui exerçaient jusque-là comme travailleurs indépendants, disposeront désormais de contrats de travail.

"La direction de Glovo a décidé de passer d'un modèle" reposant sur des "travailleurs indépendants à un modèle basé sur le salariat pour ses prestataires en Espagne", a annoncé lundi dans un communiqué l'actionnaire majoritaire de Glovo, le groupe allemand Delivery Hero.

Ce changement de modèle met un terme à l'"incertitude juridique" entourant ses activités, selon le communiqué. Il sera "limité aux activités de Glovo en Espagne" et "devrait avoir un impact d'environ 100 millions d'euros" sur le revenu brut d'exploitation de l'entreprise en 2025, ajoute-t-il.

Cette annonce survient alors que le fondateur et patron de Glovo, Oscar Pierre, est convoqué mardi devant un juge d'instruction de Barcelone, qui l'a mis en examen pour de possibles pratiques contraires au droit du travail espagnol au sein de l'entreprise, selon une source judiciaire.

Elle a été saluée par la ministre communiste du Travail Yolanda Diaz, qui a estimé que "les lois étaient faites pour être appliquées". "Aucun groupe technologique, aussi grand soit-il et quel que soit son pouvoir, ne peut s'assoir sur la démocratie", a-t-elle insisté auprès de journalistes depuis Bruxelles.

- Lourdes amendes -

Fondé à Barcelone en 2014, Glovo est aujourd'hui présent dans 1.500 villes et 25 pays, selon son site internet. Actuellement, la plateforme travaille avec près de 15.000 personnes en Espagne, en grande majorité sous statut indépendant, selon une porte-parole de l'entreprise.

Rachetée en juillet 2022 par le livreur allemand de repas à domicile Delivery Hero, la plateforme était engagée depuis plus de trois ans dans un bras de fer judiciaire avec les autorités espagnoles, qui lui reprochaient d'enfreindre le droit du travail dans ce pays.

Le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez a en effet adopté en mai 2021 une réforme du code du travail pour introduire une "présomption de salariat" pour tous les coursiers utilisant les applications de livraison, comme Uber Eats, Glovo ou Deliveroo.

Ce texte pionnier, baptisé "loi Rider", a entraîné l'embauche de milliers de coursiers dans le pays, jusqu'alors considérés comme "indépendants". Mais il s'est également heurté aux réticences de plusieurs plateformes, dont Glovo, accusée de contourner la réforme.

Après l'adoption de la "loi Rider", le groupe catalan avait en effet annoncé qu'il allait salarier les coursiers travaillant pour ses supermarchés en ligne, mais que les livreurs de repas resteraient indépendants, sur la base d'un nouveau statut censé renforcer leur autonomie.

Cette décision avait conduit le gouvernement espagnol à infliger en 2022 et 2023, via l'inspection du travail, deux lourdes amendes à la plateforme de livraison, d'un montant global de 205 millions d'euros. Des sanctions que l'entreprise catalane a décidé de contester en justice.

- Offensive européenne -

Glovo, qui a envoyé lundi matin un message à l'ensemble de ses coursiers pour les avertir de ce futur changement de régime, a précisé qu'elle mettrait en oeuvre "une table ronde avec les partenaires sociaux" pour "s'assurer que ce changement de modèle" soit adopté via un processus consensuel.

"Glovo va continuer à parier sur l'Espagne, son pays d'origine et son principal marché", ajoute l'entreprise dans un communiqué.

Le changement de modèle de Glovo a entraîné une forte chute du titre de Delivery Hero, qui s'affichait en baisse de 10,97% à la bourse de Francfort à 12H30 GMT, à 34,49 euros, les investisseurs craignant qu'il ne rogne fortement les résultats de l'entreprise.

Le statut de travailleur indépendant sur lequel les plateformes de livraison ont fondé leur modèle a été remis en cause dans un nombre croissant de pays ces dernières années. Il a par ailleurs valu de nombreuses amendes aux groupes concernés, notamment en France.

L'Union européenne s'est également emparée du sujet en adoptant le 14 octobre une directive exigeant la requalification comme salariés des personnes travaillant pour les plateformes numériques.

Mais les modalités de ces requalifications restent floues et dépendent des réglementations nationales, alors que le texte était censé mettre en place un cadre européen harmonisé.

publié le 2 décembre à 14h05, AFP

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